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Les aspirations de la société changent, les maisons aussi

20 Juin 2023

Organisée tous les 5 ans, la Distinction Romande d’Architecture a pour objectif de mettre en lumière des ouvrages de qualité réalisés en Suisse romande dans les domaines de l’architecture, du paysagisme, de l’architecture d’intérieur et du génie civil. Cette « distinction » très prestigieuse, délivrée en 2023 le 25 mai, récompense des projets de qualité dans le domaine de l’architecture et du bâti. Des projets qui parfois sortent des conventions et assument leur écriture particulière, hors mode ou hors école.  Chaque édition est ainsi l’occasion de (re) découvrir des bâtiments qui dépassent leur simple programme pour proposer de nouvelles typologies et de nouvelles réponses architecturales. Parmi les 17 nominés et les 6 distingués, voici quatre projets qui questionnent les formes d’habitabilité pour une société qui change. Chacune de ces maisons a été conçue pour coller à des histoires de vie bien précises.

 

1. Une maison pour vivre dans une communauté familiale

Lieu: Villy (VD)

Architectes: François Nantermod (Champéry), Madeleine architectes (Vevey)

 

© Séverine Malaud

Construction d’un habitat communautaire autour d’une maison existante Villy.

 

Construction d’un habitat communautaire autour d’une maison existante Villy.

 

Le projet de vie derrière les murs: à l’origine de cette histoire d’architecture, trois petits enfants qui héritent du terrain de leur grand-père, qui veulent tous y vivre, et qui sont tous profondément attachés aux souvenirs du passé que leur inspire le lieu. Les deux frères et la sœur envisagent alors la vie de famille sous forme communautaire. Ils ont ainsi souhaité faire construire trois unités de vie, chacune garante de l’intimité de chacun, mais aussi faire bâtir sur le terrain des espaces de vie dans lesquels ils puissent vivre ensemble et partager.

 

La réponse des architectes: pour répondre au mode de vie des maîtres d’ouvrage, les architectes ont proposé, non pas d’étendre la maison du grand-père, mais de le replacer au centre d’un nouvel ensemble. Ainsi, le bâtiment existant est devenu un centre autour duquel gravitent les nouvelles unités de vie. On peut le comparer à un organe vital dans la mesure où il contient en lui-même les pièces techniques nécessaires au fonctionnement des nouveaux bâtiments.  A l’étage, un grand plancher en U autour de la maison d’origine scelle les trois nouvelles unités de vie. Aux angles comme en dessous, des surfaces extérieures, mais protégées restent librement appropriables. L’ensemble prend des allures de cabane, comme un hommage aux souvenirs d’enfance des propriétaires.

 


2. Une maison pour vivre en toute sobriété selon les saisons

Lieu: Cottens (FR)

Architecte: Simon Durand architecte Sàrl (Lausanne)

 

© Alan Hasoo.

Transformation d'une ferme protégée à Cottens.

 

Transformation d'une ferme protégée à Cottens.

 

Le projet de vie derrière les murs: au départ, et comme c’est souvent le cas, les propriétaires de cette ancienne grange du 17ème siècle, protégée, souhaitaient rentabiliser au maximum l’espace, sans trop impacter l’existant, afin de pouvoir y loger une famille avec enfants. Petit à petit, ils ont adhéré à l’idée de promouvoir une sorte de minimalisme dans la manière d’habiter, avec l’envie d’adopter un mode de vie plus sobre, moins gourmand en énergie, mais qui pourrait néanmoins évoluer en fonction des changements de nécessités.

 

La réponse de l’architecte:  à l’intérieur de la grange, prend place une boîte en bois aux façades entièrement vitrées qui accueille un nouvel appartement. En retrait de l’enveloppe d’origine de 4m, cette boite vitrée est entourée de part et d’autre par de vastes terrasses couvertes et des espaces intermédiaires à investir, qui se trouvent entre l’appartement neuf et les jardins extérieurs. Ainsi, lorsque les fenêtres coulissantes de l’appartement sont ouvertes, l’espace domestique s’agrandit pour devenir ce lieu hybride qui n’est ni tout à fait intérieur, ni tout à fait extérieur. On peut dire que l’espace habité devient élastique selon les saisons et les utilisations: concentration autour du noyau du foyer l’hiver; appropriation possible de zones intermédiaires non chauffées et en rapport avec l’extérieur au printemps et en été. Ici, la délimitation particulière de l’espace permet des économies d’énergie.

 

 


 

3. Une maison augmentée pour profiter de grands appartements en ville

Lieu: Fribourg

Architectes: Aviolat Chaperon Escobar Architectes (Fribourg)

 

Maison RitterUn, Fribourg

 

© Erik Frenzel

Maison RitterUn, Fribourg

 

Le projet de vie derrière les murs:  cette maison bourgeoise des années 1930 devait être maintenue pour des raisons de limites forestières. Mais comment y vivre de manière à accueillir plus de logements? Pour répondre à une offre quasi inexistante sur le marché immobilier fribourgeois, le maître d’ouvrage et l’architecte ont choisi de transformer cette bâtisse en quatre grands appartements de ville, donnant ainsi aux familles la possibilité d’acquérir un bien alliant les qualités d’une maison individuelle, mais en milieu urbain.

 

La réponse des architectes: au lieu d’effacer la villa bourgeoise, c’est pour une maison « augmentée » qu’ils ont opté.  En effet, l’agrandissement/transformation s’inscrit dans une logique de continuité de l’existant poussée à l’extrême. Ainsi, les nouveaux éléments du bâtiment prolongent la maison des années 30, sans que l’on puisse distinguer l’ancien et le nouveau, le tout en offrant au bâtiment une morphologie générale étonnante en forme d’accordéon. Il faut dire que les nouveaux éléments du bâti suivent la limite parcellaire tout en affirmant, par des redents, la répétition de pièces de taille identique que l’on retrouve à l’intérieur. En effet, une des particularités du projet s’avère que dans chaque appartement se trouvent des enfilades de pièces presque identiques, pouvant accueillir par leur dimensionnement n’importe quelle fonction. Le concept architectural développé ici réinterprète les codes organisationnels des logements des années 1920. Il déploie les qualités de l’existant pour proposer une autre spatialité dans le logement collectif.

 

 


 

4. Une maison sans limite pour vivre avec l’environnement

Lieu: Vernier (GE)

Architectes: Comte/Meuwly (Genève)

 

Filter house Chatelaine.

 

© Comte/Meuwly

Filter house Chatelaine.

 

Le projet de vie derrière les murs: c’est le plaisir d’habiter avec tout ce qui est déjà là dans l’environnement qui a progressivement motivé les propriétaires. Très soucieux de donner à leur villa la plus petite emprise au sol possible, ils souhaitaient profiter d’un lieu de vie où l’on peut percevoir les vibrations du jardin, et plus largement, de l’environnement urbain.

 

La réponse des architectes: le plus sûr moyen de ne pas distinguer la maison de son environnement est de ne pas lui donner de façade. C’est ce qu’ont fait les architectes en concevant, non pas ce qui pourrait s’apparenter à une simple maison de verre, mais une véritable « maison filtre ». La maison se présente ainsi comme une sorte de tente plutôt complexe, dont l’avantage est de déclencher une prise de conscience constante de l’extérieur et de ses vibrations. Les façades ont la souplesse de textiles, générant des frontières volontairement poreuses entre intérieur et extérieur, sans rien perdre de leur performance thermique.

 

Tous les projets nominés et distingués par la Distinction Romande d’Architecture 2023 (DRA5) sont mentionnés ici

 



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