Architecture

Trois maisons autonomes en Suisse

10 Nov 2022

Bien que les méthodes constructives soient connues, que les matériaux et les technologies soient disponibles localement, les maisons autonomes (autarciques ou sobres en énergie) ne sont pas encore démocratisées. Elles ont la particularité de ne pas être connectées aux réseaux d’eau et d’énergie. Quelques propriétaires en Suisse, avec un peu de courage et beaucoup d’humilité, ont tenté l’aventure. Ils ont en commun la volonté de prototyper un habitat à faible impact environnemental et reproductible à grande échelle. Zoom sur trois projets audacieux qui flirtent avec la contrainte de performance et la recherche de l’indépendance totale, ou qui privilégient les systèmes collectifs existants.

 

N°1. Une maison autonome à Murist (FR) 

Un projet avec une enveloppe protectrice performante.

Architecte Pascal Oulevay (Shift). Ingénieur Roberto Camarasa.

 

© Pierre-Yves Massot. Parution CB5/2022. Parution CB5/2022

Maison autonome à Murist.

 

© Pierre-Yves Massot. Parution CB5/2022

Maison autonome à Murist.

 

© Pierre-Yves Massot. Parution CB5/2022

Maison autonome à Murist.

 

La maison n’a pas de sous-sol et le peu de terre déplacée a servi à l’aménagement des espaces extérieurs. Son enveloppe englobe l’unique volume de l’habitat qui rassemble les espaces de vie et les installations techniques.

 

La structure de la maison est réalisée en modules préfabriqués en bois, remplis de paille compressée. L’isolant paille favorise un climat intérieur sain et contribue à la diminution de l’impact environnemental du bâtiment. Ces modules préfabriqués par l’entreprise Ecococon sont assemblés et vissés sur chantier. À l’intérieur, un enduit de terre est appliqué pour apporter de l’inertie thermique et réguler l’humidité. Le revêtement extérieur est réalisé en lames de bois (douglas) brûlé. Cette technique de protection du bois, originaire du Japon, confère à l’enveloppe une meilleure résistance aux insectes, champignons et intempéries.

 

La maison n’est pas équipée de chauffage central. La serre, orientée au sud et connectée à l’espace de vie, maximise les gains solaires gratuits. Pour le reste, l’ensemble du concept est basé sur des échanges de calories pour limiter les pertes au maximum. Par exemple, afin d’éviter de refroidir la maison avec l’apport d’air extérieur, celui-ci est d’abord préchauffé par les calories du terrain en transitant par un puits canadien.  L’électricité produite par les panneaux solaires installés en toiture, est stockée dans des batteries et l’accumulateur bidirectionnel de la voiture.

 

Depuis la réalisation de cette maison autarcique, Roberto Camarasa et Pascal Oulevay ont lancé de nouveaux projets d’habitats privés, de transformations et de surélévations. Ils sont ambassadeurs en Suisse de la marque Ecococon qui propose des systèmes de construction en paille.

 


N°2. Une maison autonome à Delémont (JU)

Un projet qui allie sobriété et simplicité.

Architecte Julie Hennemann. Ingénieur Adrien Theurillat.

 

©Matthieu Spohn. Parution CB5/2022

La maison de Julie Hennemann et Adrien Theurillat.

 

©Matthieu Spohn. Parution CB5/2022

La maison de Julie Hennemann et Adrien Theurillat.

 

©Matthieu Spohn. Parution CB5/2022

La maison de Julie Hennemann et Adrien Theurillat.

 

L’objectif du projet était de construire une maison qui consomme un minimum d’énergie sans apports technologiques excessifs. Implantée dans le terrain à forte pente, la maison est ancrée au sol par un volume semi-enterré en contre-bas de la route. Celui-ci contient les espaces non chauffés tels qu’un atelier et le local technique réduit au minimum.

 

La maison s’ouvre largement au sud grâce à sa façade pignon entièrement vitrée, placée en retrait de l’enveloppe protectrice en mélèze brut. L’enveloppe thermique est constituée d’un panneau d’isolation en laine de bois, rigide côté extérieur, servant de coffrage perdu pour l’isolation en chaux-chanvre. Pour une bonne isolation thermique, le chaux-chanvre est tassé au pilon pneumatique dans un banchage, pour une densité de 600 à 700 kg/m3. Une fois la recette élaborée avec l’artisan, les propriétaires ont eux-mêmes mis en œuvre le mélange. Un enduit de finition intérieur à base de chaux et de sable permet au mur de conserver ses propriétés de régulation de l’humidité intérieure et d’inertie thermique.

 

À l’intérieur les panneaux 3 plis en épicéa côtoient le MDF huilé de la cuisine. La chaleur du bois est contrebalancée par l’apport minéral des briques de terre compressées de la cheminée et de la chape huilée au sol.

 

Outre les panneaux solaires photovoltaïques orientés est-ouest en toiture, la maison est dotée de panneaux solaires thermiques qui assurent la production d’eau chaude sanitaire et le chauffage au sol du rez-de-chaussée. Un poêle d’appoint assure le confort même lors des jours froids et brumeux. L’eau de pluie alimente tous les robinets et sanitaires à l’exception de l’évier de la cuisine qui est pour l’instant raccordé au réseau.

 

Ce prototype de maison à énergie positive est un lieu de vie sain, dont le ressenti intérieur, le confort et l’impact environnemental sont prioritaires. La maison allie principes bioclimatiques et matériaux naturels pour un résultat convaincant qui peut être reproduit à plus grande échelle.

 


N°3. Un pavillon aux abords de Zurich

Une approche complète et démonstrative d’économie circulaire.

Architecte Devi Bühler, chercheuse à la Haute École zurichoise des sciences appliquées (ZHAW) en égale collaboration avec Synergy Village, partenaire pour la réalisation. 

 

©Devi Bühler. Parution CB5/2022

La maison Kreis.

 

©Devi Bühler. Parution CB5/2022

La maison Kreis.

 

©Dirk Steuerwald. Parution CB5/2022

La maison Kreis.

 

Ce pavillon est un démonstrateur du concept d’économie circulaire dans son approche globale. Le pavillon de 40 m2 peut accueillir deux personnes dans une unité d’habitation isolée, chauffée et réduite au minimum. L’espace de vie s’agrandit de plus de la moitié de la surface lorsque le soleil réchauffe le jardin d’hiver. Celui-ci vient englober la partie contrôlée thermiquement au sud et en toiture, comme une seconde peau. Cette organisation spatiale changeante au rythme des saisons est pertinente vu l’augmentation croissante de la surface habitable par personne et le niveau d’incertitude en matière d’énergie en Suisse.

 

La maison Kreis fonctionne sur le principe des circuits fermés; les déchets des uns peuvent devenir les ressources des autres grâce au principe constructif de réversibilité et l’emploi de matériaux locaux. Ainsi, les plantes du jardin d’hiver sont arrosées par les eaux grises et nourries par la matière fécale des toilettes sèches transformée en engrais.Tous les éléments constitutifs du pavillon peuvent être démontés, réemployés ou recyclés en fin de vie.

 

La structure en bois massif de la région d’Appenzell est assemblée sans colle, à l’aide de chevilles. La laine de chanvre, les panneaux de fibres de bois et le liège sont les isolants biosourcés utilisés. Les murs intérieurs et les plafonds sont partiellement recouverts de panneaux d’argile qui régulent l’humidité et absorbent les odeurs.

 

La maison Kreis est autonome en énergie et en eau. La double peau en toiture et au sud est équipée de panneaux solaires semi-transparents pour la production d’électricité. Le surplus de la production d’électricité est stocké dans des batteries et réinjecté dans le réseau.

 

L’air chaud de la serre est amené dans l’espace isolé à travers un échangeur à chaleur. Les jours où la chaleur du jardin d’hiver est insuffisante pour chauffer l’unité d’habitation, un système de ventilation assure le chauffage. Enfin, l’eau récupérée en toiture est chauffée par une pompe à chaleur qui utilise l’air chaud vicié de l’espace de vie. L’air chaud de la serre est donc utilisé plusieurs fois.

 



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