Architecture

Trois granges transformées en habitations

12 Avr 2022

Originellement utilisés pour abriter le bétail, stocker le fourrage et parfois pour loger l’homme, les granges sont aujourd’hui souvent laissées à l’abandon en raison de l’urbanisation et de la densification des communes qui perdent progressivement leur pratique agricole. Se pose alors la question de la transformation du patrimoine bâti rural en désertion. Comment lui permettre d’accueillir de nouvelles fonctions tout en préservant l’histoire du bâtiment ?  Trois projets suisses de reconversion et de rénovation qui présentent des solutions différentes pour transformer les granges en logements.

 

Projet et solution n°1: harmoniser l’ancien et le nouveau

Lieu: Ollon (VS)

Bureau d’architectes: Savioz Fabrizzi

 

Cette ancienne grange située dans le village d’Ollon (VS), a été achetée par le maître de l’ouvrage en 2015 pour en faire sa résidence principale. Vue de l’extérieur, elle conserve une apparence traditionnelle à l’exception de quelques éléments contemporains.

 

©Thomas Jantscher. Parution CB5/2021

La grange en pierres a conservé son apparence d'origine.

 

Les murs en moellons ont pu être conservés et isolés de l’intérieur. Seules la façade ouest et une partie de la façade nord étaient trop abîmées et ont été démontées et reconstruites en réutilisant les pierres d’origine. La position des ouvertures, le linteau et la porte en bois ont aussi été maintenus.

 

De plus, les ouvertures ont été conservées afin préserver l’histoire de la grange. Les trois ouvertures latérales réinterprètent le langage des claustras en bois qui permettaient la ventilation. Les nouvelles claustras posées devant les fenêtres assurent désormais une certaine intimité aux habitants. La façade ouest, rebâtie à neuf, possède une grande fenêtre sur toute la largeur et donne à l’espace de jour la vue sur la vallée du Rhône, profitant du dégagement dû au terrain en pente.

 

©Thomas Jantscher. Parution CB5/2021

De nouvelles claustras ont été posées devant les fenêtres de la maison.

 

La transformation a principalement consisté en un réaménagement intérieur. L’étage principal reprend la structure ouverte d’origine pour proposer un espace d’un seul tenant, hiérarchisé par un bloc de services (sanitaires, cuisine, escaliers, rangement) qui ne s’étend pas sur toute la hauteur.

 

La partie jour se trouve à l’ouest.

 

©Thomas Jantscher. Parution CB5/2021

Le sol est réalisé avec un béton noir teinté dans la masse.

 

La chambre se trouve à l’est. Elle est surélevée de quelques marches par rapport à la partie jour. Ce décalage reprend la pente du plancher d’origine et s’adapte ainsi aux ouvertures existantes. Il permet aussi d’articuler les espaces et renforce l’aspect privé de la chambre. Enfin, il permet d’encastrer la baignoire. Objet contemporain marquant, celle-ci est posée à même le sol de la chambre, sans alignement prédéfini.

 

©Thomas Jantscher. Parution CB5/2021

Dans la chambre, la baignoire a été encastrée.

 

Lors de la rénovation, le sol a été réalisé avec un béton noir teinté dans la masse. Les parois et la toiture sont revêtues de panneaux en sapin lasuré en noir, procurant ainsi un intérieur unifié et neutre.

 

Au final, la maison jongle entre un extérieur principalement vernaculaire et un intérieur beaucoup plus moderne. Elle conserve les éléments intéressants d’origine sans pour autant figer le projet dans un état historique.

 

 


Projet et solution n°2: révéler la matière

Lieu: Gland (VD)

Bureau d’architectes: Mangeat-Wahlen

 

Inscrite à l’Inventaire des monuments historiques, cette ancienne ferme vaudoise témoigne du passé agricole de Gland. Sa reconversion en deux logements suit deux objectifs principaux: donner une nouvelle vie à la grange tout en mettant en valeur et rendant visible sa structure, caractérisée par des murs de maçonnerie très épais et une grande toiture à pans.

 

Le geste fort du projet a été de révéler la structure en réalisant, sur l’une des façades pignons, une grande fissure dont la forme découle de décisions fonctionnelles.

 

© Samuel Nugues. Parution CB5/2021

À gauche, une grande fissure sépare la façade. À droite, la large ouverture en bandeau sur la façade nord constitue la trace d’une ancienne surélévation.

 

D’un côté, cette fissure vient soutenir la panne faîtière et de l’autre, elle accueille un escalier. Enfin, elle permet d’introduire de la lumière au cœur du bâtiment à l’aide d’une cour intérieure vitrée autour de laquelle s’organisent les espaces de vie des deux appartements. Cet élément marquant brouille volontairement la position de la ligne qui sépare le dedans et le dehors.

 

© Samuel Nugues. Parution CB5/2021

Derrière la fissure, une cour intérieure vitrée.

 

De l’intérieur, la vision de l’épaisseur de la vieille enveloppe de maçonnerie procure une sensation de protection. Ce sentiment est accentué par l’introduction, à l’intérieur, d’une structure en bois et verre. Indépendante des murs de maçonnerie, elle porte en revanche la charpente existante. Imbriquée dans l’ancienne enveloppe, elle articule l’essence de la grange et les besoins d’aujourd’hui. Elle reprend une géométrie orthogonale et permet de régler les questions d’isolation.

 

© Samuel Nugues. Parution CB5/2021

À l’intérieur, une structure en bois et verre indépendante de la vieille maçonnerie extérieure.

 

© Samuel Nugues. Parution CB5/2021

Vision sur l’épaisseur de la vieille enveloppe de maçonnerie.

 

Les architectes mettent en valeur l’existant mais l’utilisent aussi pour développer le projet de rénovation. Par exemple: les planchers conservent l’aménagement sur plusieurs niveaux qui répondait à une tripartition fonctionnelle entre l’homme, les animaux et le fourrage. L’espace est ainsi partitionné à l’aide de niveaux variables, d’armoires intégrées et d’un travail sur les matériaux. Le sol est recouvert d’une chape dans laquelle sont insérés des tapis de parquet en bois. Ensemble, cela génère des espaces variés, des niches, des points de vue cadrés.

 

© Samuel Nugues. Parution CB5/2021

À l'intérieur, l'espace est partitionné en fonction des volumes d'origine.

 

 


 

Projet et solution n°3: lier par la matière

Lieu: Flanthey (VS)

Bureau d’architectes: Atelier Dimanche

 

La maison M transforme une grange-étable située à Flanthey (VS). Le projet adopte une forme singulière, reprenant la caractéristique hétérogène du bâti de la région formé au fil du temps par addition successive de volumes différenciés. Une extension en béton apparent réalisée au nord-ouest de la grange vient enlacer le vieux bâtiment dont les façades soulignent les traces du temps.

 

©Michel Bonvin. Parution CB5/2021

Façade Est.

 

©Michel Bonvin. Parution CB5/2021

Façade Nord. La toiture de l'extension est à pans inversés. Elle prolonge la toiture à double pans classique que l'on trouve sur la grange d'origine.

 

En façade, le crépi fragmenté est conservé et laisse entrevoir la pierre. La texture minérale du béton sablé lie les différentes matières et, par contraste, les révèle. Le béton est placé autour des ouvertures et au-dessus de la pierre, à même les murs existants. Telle une prothèse, il consolide la structure.

 

©Michel Bonvin. Parution CB5/2021

Façade Sud.

 

À l’intérieur, l’espace est modelé à l’aide d’un élément structurel et structurant en béton qui façonne l’escalier principal, la cheminée et un banc face au grand paysage.

 

Le volume de la grange est mis en valeur par la suppression du plancher intermédiaire qui ne permettait pas d’exploiter le niveau inférieur. La pièce de vie bénéficie ainsi d’une hauteur généreuse.

 

©Michel Bonvin. Parution CB5/2021

La pièce de vie.

 

La composition spatiale se lit comme un parcours qui offre différents axes de dégagements visuels en utilisant les ouvertures déjà existantes. Les fenêtres en chêne cadrent les vues sur le clocher de l’église, le Val d’Anniviers et le Val d’Hérens. Le volume proposé est volontairement neutre. Le sol est unifié par une chape poncée. Les matériaux sont laissés bruts et les détails constructifs sont simples et rationnels, ce qui donne de la cohérence à l’ensemble.

 

©Michel Bonvin. Parution CB5/2021

Le sol est unifié par une chape poncée.

 



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