Design

Design à louer et échanger

20 Juin 2024

L’économie du partage serait-elle sur le point de prendre son envol? Transports, logements, bureaux, musique, jardins, énergie… dans de nombreux secteurs, on admet aujourd’hui l’idée qu’il n’y a pas besoin de posséder des biens en propre pour pouvoir y accéder. Le principe de la consommation collaborative, c’est que l’usage prédomine sur la propriété. Dans les secteurs de la mode, de l’art et du design de mobilier les habitudes peinent à changer mais quelques acteurs tentent de promouvoir de nouvelles alternatives. 

 

Alternative n°1. Louer plutôt qu’acheter

De combien a t’on besoin? Et pour combien de temps? Face à le flexibilité de nos lieux et modes de vie, et devant le fait que nos goûts évoluent souvent, voilà que l’on envisage aujourd’hui la location d’objets à forte valeur esthétique comme une manière de concilier consommation et écologie.

 

Le principe a déjà été tenté dans l’univers de la mode. Si l’on trouve depuis longtemps des enseignes de location de costumes et de robes de soirée, la boutique Teil Style de Berne permet, elle, de louer des vêtements du quotidien. Créé en 2020, ce showroom fonctionne avec des abonnements mensuels ou annuels à prix très raisonnables.

 

Parallèlement, il est aussi possible de louer des biens dans un autre secteur d’activité, celui de l’art. Ainsi, la société suisse Murs Porteurs met en valeur les murs des entreprises en leur louant des œuvres d’art dans des lieux de travail et de vie, dans des espaces hospitaliers ou de bien-être.

 

© Teil Style. Sous autorisation.

La boutique Teil Style à Berne où l'on loue au mois ses vêtements.

 

Et dans le design de mobilier et la décoration, on se questionne également sur l’avenir de la location. Une pionnière a été l’entreprise harth.space en 2018.  Cette société londonienne se décrivait comme la « première plateforme au monde qui permet à chacun d’emprunter de beaux meubles, de la décoration d’intérieur et de l’art directement auprès des meilleures marques, designers et artistes, galeries et marchands du monde entier« . La société a aujourd’hui fait faillite, ce qui rend difficilement envisageable l’idée que le partage de meubles très haut de gamme soit pour demain.

 

Cependant, plusieurs acteurs misent aujourd’hui sur le fait que la tendance soit davantage portée par un public dont les besoins en agencement d’intérieur évoluent vite. Autrement dit, des jeunes, des expatriés et tous ceux qui ne veulent pas être liés par trop de contraintes mais ne veulent pas non plus sacrifier le style de leur intérieur. Depuis 2019, la chaîne d’ameublement suédoise de mobilier à bas prix Ikea  réfléchit dans ce sens et a lancé plusieurs essais de systèmes de location de meubles dans divers pays. C’est ainsi qu’il existe aux Pays Bas aujourd’hui un service de location qui permet d’emprunter des meubles Ikea, contre une petite somme, plutôt que de les acheter. De même, plusieurs PME suisses se sont aujourd’hui spécialisées dans la location de meubles bon marché pour de courtes durées à destination des personnes qui prévoient de rester peu de temps dans leur logement.

 

En parallèle, pour que le modèle de la location puisse davantage s’ancrer dans les mœurs, certains acteurs réfléchissent aujourd’hui à une nouvelle manière d’imaginer et fabriquer des meubles. Les designers de l’ECAL, en collaboration avec la marque Freitag, ont ainsi travaillé sur plusieurs prototypes de produits destinés à la location. Il s’agit pour ces designers non seulement de concevoir du qualitatif, soit des produits suffisamment résistants pour pouvoir passer de main en main, mais aussi de réfléchir à ce qu’il peut être pertinent et facile de changer dans nos habitudes. Ce qui a notamment donné lieu à une véritable réflexion sur les besoins dans la chambre d’étudiant et à la création de solutions qui pourraient un jour être commercialisées.

 

©ECAL. MarvinMerkel.

Une chambre d'étudiant conçue avec un strict nécessaire qui pourrait être louer. Projet ECAL x Freitag.

 

 


Alternative n°2: Echanger plutôt qu’acheter

Le troc ? Oui, c’est une idée vieille comme le monde mais aussi une véritable tendance de fond aujourd’hui. Car non seulement le troc permet de contourner les effets de l’inflation mais il évite aussi un des effets pervers du marché de la seconde main:  la surconsommation en un clic d’objets moins chers.

 

On sait que le principe a déjà fait ses preuves pour les services: en Suisse romande, il y aurait une trentaine de groupes de « systèmes d’échanges locaux » (liste de SEL ici). Mais ce modèle économique inspire aussi aujourd’hui des boutiques et des fabricants dans le secteur de la mode, en particulier la marque suisse Freitag, qui s’est engagée depuis très longtemps en faveur de l’écologie en proposant des sacs réalisées en bâches de camion recyclées.

 

Chez Freitag, on parle ainsi de « S.W.A.P. », ce qui signifie « Shopping Without Any Payment » (shopping sans paiement), depuis que le fabriquant a lancé en 2020 une plateforme pour échanger des sacs d’occasion qu’il a produits. Le principe est simple: vous téléchargez une photo de votre sac, puis vous faites glisser votre doigt vers les sacs que vous aimez et ce que vous n’aimez pas. Quand il y a « match », vous pouvez entrer en contact avec la personne pour échanger votre sac.

 

© Freitag

Shopping Without Any Payment, Freitag.

 

 


Alternative n°3: Acheter du « pre-loved »

Acheter du « pre-loved », c’est tout simplement acheter un objet de mode d’occasion qui été bien entretenu et soigneusement préservé. Car les vêtements et accessoires dits « preloved » ou « pre-loved » (soit en français « pré-aimés ») désignent des pièces qui sont tenues à de haut standards de qualité.

 

Si la pratique est moins nouvelle que son appellation, ce concept permet néanmoins aujourd’hui de donner un nouveau souffle au marché du vêtement d’occasion. En effet, pour donner une seconde vie à des pièces « preloved », certaines marques de luxe ont aujourd’hui intégré ce type de vêtements d’occasion à leur offre.  Hugo Boss et Marimekko ont lancé leur propre boutique en ligne de seconde main. Et bien d’autres marques (Gucci, Stella McCartney, Louis Vuitton…) se sont associés à la plateforme de vêtements de luxe d’occasion comme The RealReal ou Vestiaire Collective.

 

Davantage, d’autres labels de mode ont d’ores et déjà poussé le concept plus loin en lançant leur plateforme « pre-loved »:  ils proposent de racheter des vêtements (légèrement) usagés et de les réparer avant de les revendre. Tel est, par exemple, le cas de la marque Patagonia (« Worn wear« ) ou MUD Jeans, spécialisée dans les denims responsables.

 

Certes, le concept du « preloved » est encore réservé à l’univers de la mode. Mais l’intérêt de l’appellation est d’avoir impliqué directement les fabricants de produits neufs dans la revente de leurs produits d’occasion. Si bien que l’on pourrait envisager que ce modèle économique soit décliné à d’autres secteurs d’activité haut de gamme et cœur de gamme.

 

L’avantage écologique du marché de la seconde main est d’augmenter l’usage des produits tout en multipliant le nombre de propriétaires successifs. En cela, il intègre les principes de la consommation collaborative.

 



Partager cet article