Architecture

Le logement collectif en version rurale

02 Fév 2023

Pour bénéficier d’un bout de jardin ou avoir le privilège de se déclarer chez soi, beaucoup de personnes en Suisse sont prêtes à s’éloigner des centres urbains et emménager en milieu rural. Pourtant, là aussi, les biens disponibles deviennent rares et les prix peu accessibles. En réponse à cela, des formes de logements collectifs émergent, en village ou même en zone agricole. Outils de valorisation du patrimoine, de lutte contre le mitage du territoire ou contre l’abandon des hameaux, ces ensembles renouent avec un mode de vie rustique où le rapport à la nature donne un sens au terme collectif. De l’appartement de campagne à la coopérative, voici trois exemples.

 

N°1. Le patrimoine en commun

Architectes: Laurent Vuilleumier et Paul Humbert, bureau LVPH 

Lieu: Römerswil

 

© Rold Siegenthaler. Parution CB3/2022

Maison de maître divisée en cinq appartements à Römerswil (Suisse).

 

© Rold Siegenthaler. Parution CB3/2022

Maison de maître à Römerswil.

 

© Rold Siegenthaler. Parution CB3/2022

Maison de maître à Römerswil.

 

© Rold Siegenthaler. Parution CB3/2022

Maison de maître à Römerswil.

 

Quand le bureau LVPH est intervenu sur ce projet, plusieurs appartements cohabitaient déjà dans cette ancienne villégiature construite à la fin du 17e siècle et protégée par le Service des biens culturels du canton de Fribourg. La famille propriétaire occupait le premier étage tandis qu’un appartement indépendant au rez-de-jardin attendait d’être rénové. En s’appuyant sur la partition existante, les architectes ont ainsi aménagé deux appartements par niveaux et un dans les combles transformés, soit un total de cinq logements.

 

Comme souvent dans des rénovations patrimoniales, les typologies varient pour s’adapter au contexte. Ici on retrouve pourtant une constante dans l’aménagement systématique d’une grande pièce de vie avec cuisine ouverte et des chambres plus petites. La salle de bain est organisée dans une construction neuve qui vient servir la partition générale des logements. Ces modules sanitaires s’intègrent de manière discrète en offrant rangements et confort aux espaces majeurs restaurés.

 

 

Dans cette maison d’apparence familiale et unifiée, chaque habitation offre ainsi un univers intérieur propre tout en partageant un contexte unique. Le domaine dispose de dépendances et d’un jardin à la française dont peuvent profiter locataires et propriétaires. Ils bénéficient tous du charme de ce cadre historique unique. Partout, des détails signifiants et témoins de l’histoire sont conservés et valorisés : fresques de peinture découvertes et restaurées pendant les travaux, anciennes portes et serrures, niches aménagées en rangement, boiseries apparentes, sol de molasse… Le choix des matériaux contemporains bruts comme la pierre de la Molière des plans de travail ou les sols en béton apparent étaient destinés à s’accorder avec l’existant. Dans les combles, la réfection de la toiture pour l’isoler a permis la création d’un grand appartement ouvert où l’omniprésence du bois de la charpente et des revêtements contraste avec l’ambiance très minérale des niveaux inférieurs.

 

 


 

N°2. Un collage typologique

Architecte: Mannick Eigenheer

Lieu: Corcelles-près-Payerne

 

© Anne-Laure Lechat. Parution CB3/2022

Appartements à Corcelles-près-Payerne.

 

Mannick Eigenheer

Appartements à Corcelles-près-Payerne.

 

© Anne-Laure Lechat. Parution CB3/2022

Appartements à Corcelles-près-Payerne.

 

© Anne-Laure Lechat. Parution CB3/2022

Appartements à Corcelles-près-Payerne.

 

Le village de Corcelles-près-Payerne s’est développé autour d’une activité rurale dont témoignent les granges et hangars à tabac présents un peu partout dans le centre de la commune. Avec l’augmentation de l’occupation résidentielle dans ce tissu déjà dense, ces bâtiments offrent des potentiels de transformation encore peu exploités qui, pourtant, permettent de créer des logements uniques tout en respectant le patrimoine bâti. Le projet développé par Mannick Eigenheer est une opération autofinancée par l’architecte, qui dispose donc d’une liberté totale dans son projet.

 

Initialement composée d’un appartement, d’un atelier de menuiserie, d’un hangar à tabac et d’un garage, la parcelle offre désormais trois logements: un appartement 2 pièces en rez-de-jardin, un duplex dans l’ancienne habitation au-dessus et un autre duplex dans le hangar à l’arrière. La répartition des habitations correspond ainsi aux différents volumes de l’ensemble existant, dont le principe de collage architectural a été conservé.

 

La maison en maçonnerie située à l’avant de la parcelle, isolée avec de la laine de pierre, est revêtue d’un crépi minéral tandis que la façade en bois du hangar à tabac à l’arrière a été restaurée avec un nouveau bardage horizontal en lames brutes de sciage qui recouvre la structure existante.Dans le hangar, la typologie fine et élancée du volume est exploitée par un jeu de niveaux qui anime l’espace de vie très ouvert. Sur le côté, le garage est devenu un porche ouvert qui dessert les deux grands logements. Il aboutit sur un patio qui permet d’éclairer et de ventiler les salles de bain tout en articulant les différents volumes de l’ensemble.

 

 


 

N°3. L’intelligence collective dans une coopérative

 

Architecte: Philippe Veluzat et Sébastien Tripod

Lieu: Attalens

 

© Stéphane Millet. Parution CB3/2022.

Coopérative d'habitation à Attalens.

 

© Stéphane Millet. Parution CB3/2022.

Coopérative d'habitation à Attalens.

 

© Stéphane Millet. Parution CB3/2022.

Coopérative d'habitation à Attalens.

 

© Stéphane Millet. Parution CB3/2022.

Coopérative d'habitation à Attalens.

 

Situé en zone agricole en bordure du village d’Attalens, cette ancienne ferme accueille désormais une coopérative d’habitants de six familles, initialement réunies autour d’une envie de s’établir en milieu rural, qui s’est progressivement transformée en projet de vie en collectivité. Pour cela, un processus relativement long de développement du programme a été mené avec Philippe Veluzat et Sébastien Tripod afin de définir quelles étaient les envies individuelles et les priorités collectives à établir en fonction du budget disponible et des possibilités offertes par le bâtiment.

 

En effet, dans un contexte de coopérative, le financement est encadré par les autorités fédérales et le budget est donc limité. Pour cela, certains espaces sont mutualisés et les logements sont conçus comme 6 unités de 2 à 3 chambres plutôt que comme des appartements. Ces unités sont organisées autour d’un grand espace de circulation qui traverse toute la hauteur de la ferme et dessert les différents espaces collectifs : l’atelier au rez, la grande cuisine commune et sa terrasse à l’étage, un salon dans les combles. À chaque niveau, des réduits et des toilettes sèches sont partagés à l’entrée des unités de manière à optimiser les surfaces privatives tout en offrant la possibilité de les rattacher aux logements si cela devenait souhaitable. Trois chambres indépendantes permettent également d’agrandir certaines unités en les annexant.

 

L’autre mesure d’économie est une rationalisation constructive et des choix esthétiques simples. L’organisation générale a ainsi été définie à partir de la structure existante de la ferme. Partout, les couches de finition ont été réduites au minimum et une esthétique brute mais soignée a permis d’optimiser les coûts. À l’extérieur, les habitants réalisent progressivement des aménagements avec les matériaux récupérés sur l’ancienne bâtisse.

 



Partager cet article