Architecture

RebuiLT, un cas exemplaire de réemploi d’éléments structurels

04 Mar 2025

Pourra-t-on construire des bâtiments neufs uniquement avec des matériaux et des éléments structurels de constructions devenues obsolètes? Pour de multiples raisons, le réemploi des poutres, des squelettes en acier ou des éléments porteurs en béton d’un bâtiment à l’autre reste rare et difficile aujourd’hui. Cependant, l’inauguration à Ecublens du nouveau bâtiment RebuiLT, en partie construit à partir du chantier de démolition des Beaumettes, démontre qu’une telle entreprise est possible.

 

© Solène Hoffmann

Le pavillon RebuiLT, conçu par les étudiants de l'EPFL et aujourd'hui terminé.

 

Faire de la recup’, acheter du mobilier d’occasion, réutiliser une baignoire ou une cuisine vendue sur Anibis et, pourquoi pas, transformer un plan de travail en plateau de table… À l’échelle de l’équipement domestique, le réemploi semble facile à mettre en œuvre du moment qu’on en a l’envie. Par contre à l’échelle de la structure d’un édifice, cette pratique semble déjà plus difficile à envisager compte tenu du système actuel de gestion des biens et des ressources du bâtiment.

 

Avec le réemploi, l’idée n’est pas de détruire les éléments du bâti sur un chantier de démolition, puis de les transformer afin de les recycler. Le principe est de récupérer des objets déjà mis en forme par l’homme pour les utiliser ailleurs, sans passer par une étape de transformation industrielle.

 

L’intérêt du réemploi est qu’il consomme peu d’énergie par rapport au recyclage et permet de retarder l’augmentation de l’entropie de la matière (ou d’en ralentir la dégradation). De plus, il ouvre des perspectives pour sortir le bâtiment d’une spirale de fabrication de déchets et rentrer dans un autre modèle économique.

 

©rebuiLT

Démontage d'éléments structurels sur le chantier des Beaumettes.

 

Alignement des planètes sur le chantier des Beaumettes

 

Sur le bâtiment des Beaumettes 21 à Renens, un immeuble de bureaux et stockage des années 1970, une grosse opération de réemploi a pu être menée. Une entreprise remarquée compte tenu de la mauvaise réputation dont souffre parfois le réemploi en dépit de son aspect écologique. On le dit en effet complexe, coûteux, marginal en raison des problèmes pratiques que cause la récupération des pièces les plus volumineuses d’un bâtiment.

 

Ainsi, retirer et déplacer de gros éléments du bâti comme des poteaux, des charpentes, des poutres ou des dalles impose d’avoir en tête des perspectives de débouchées pour ces biens qui ne sauraient, de par leur volume, être stockés en ressourcerie. Leur donner une nouvelle vie passe donc par l’anticipation des besoins qui ont lieu sur un projet de construction, ce qui implique une coopération entre les responsables d’un chantier de démolition et ceux d’un chantier de construction en neuf.

 

De même, la pratique du réemploi demande au maître d’ouvrage d’un chantier de démolition d’avoir une réelle ambition en matière d’impact écologique.  Les expertises sur l’état des matériaux et des structures présents sur un bâtiment à démolir coûtent et sont souvent à sa charge. Sans compter que tous les éléments d’un bâtiment ancien ne sont pas forcément démontables, ni adaptés aux nouvelles normes.

 

©rebuiLT

Chantier de démolution des Beaumettes.

 

Or, les planètes semblent s’être alignées sur le chantier des Beaumettes et plusieurs circonstances ont permis de mener à bien l’opération de réemploi. Steiner Construction avait pour ambition de détruire l’existant dans la perspective de développer la parcelle de manière durable. Mis en relation avec la Société Coopérative 2401 qui regroupe architectes et ingénieurs, Steiner a ainsi eu connaissance de quatre nouveaux projets de construction qui pouvaient intégrés dans leur plan des éléments structurels en béton des Beaumettes (dalles et pilliers) et affichaient une sensibilité écologique: le boulodrome de Renens, un mur de soutènement pour Mix’City et deux projets de recherches universitaires, ConCRETE et RebuiLT. C’est ainsi qu’au total 21% de la structure des porteuses des Beaumettes a pu être réutilisée, ce qui peut sembler peu mais distingue néanmoins le projet des pratiques conventionnelles.

 

Le pavillon RebuiLT

 

Le 27 février dernier, à Ecublens, a été inauguré le pavillon RebuiLT conçu par des étudiants de l‘EPFL. Sur les quatre constructions neuves ayant bénéficié des éléments de récupération du chantier des Beaumettes, il s’agit du plus ambitieux en terme de réutilisation d’éléments architecturaux.  Son ouverture marque ainsi une étape décisive dans la démonstration que le réemploi d’éléments structurels est bel et bien possible en Suisse.

 

Pour sa construction, des planchers-champignons en béton armé et leurs colonnes de raccordement ont été découpés, déplacés en toute sécurité, puis réassemblés pour former la base structurelle du nouveau pavillon.

 

©rebuiLT

Chantier de démolition des Beaumettes.

 

©rebuiLT

Transport des éléments destinés au réemploi.

 

©rebuiLT

Installation des éléments de réemploi lors de la construction du pavillon RebuiLT.

 

La construction du pavillon RebuiLT a été achevée en faisant, là encore, appel au réemploi.  Ainsi, une grande partie des tuiles et des chevrons de la toiture ont été récupérés sur d’autres bâtiments voués à la démolition.  Le parquet a permis de redonner une deuxième vie aux lames de bois d’un appartement qui avaient été déposées suite à un dégât des eaux. Le plancher (sous-construction en panneaux OSB) vient du réaménagement d’un cinéma à Fribourg.

 

Dans le même esprit d’économie de ressources, les parois extérieures ont été réalisées en bottes de paille porteuses, puis enduites à la chaux à l’extérieur et à l’argile à l’intérieur. Enfin, l’isolation a été réalisée avec des chutes d’usine.

 

©PJRenaud. rebuiLT

Réalisation de la toiture du pavillon RebuiLT.

 

© Solène Hoffmann

Intérieur du pavillon RebuiLT terminé.

 

Le pavillon RebuiLT accueillera diverses activités culturelles. Il est déjà à disposition des écoles et des associations.

 



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