Architecture

Trois micro-architectures riches en idées

29 Fév 2024

L’architecture de très « très » petite taille se voit rarement valorisée sous les projecteurs. Pourtant elle incarne un concentré de solutions optimisées. Il s’agit d’aller à l’essentiel, au plus efficace, au plus ingénieux, pour garantir aux utilisateurs – dans un espace compact – un agencement pratique et heureux. Cet équipement minimal va aussi bien au-delà du pur objet architectural, côtoyant les limites du design ou de la sculpture. Exploration de trois exemples suisses romands.

 

1. Un sauna privé mobile

Architectes: Savioz Fabrizzi Architectes

 

© Nicolas Sedlatchek. Parution CB1/2024

Sauna privé mobile, Savioz Fabrizzi Architectes.

 

© Nicolas Sedlatchek. Parution CB1/2024

Sauna privé mobile, Savioz Fabrizzi Architectes.

 

© Nicolas Sedlatchek. Parution CB1/2024

Sauna privé mobile, Savioz Fabrizzi Architectes.

 

Un sauna privé mobile, assez léger pour être tracté par une voiture et être emmené au cœur de la nature pour des moments d’exception, ça fait un peu rêver, n’est-ce pas ? À mi-chemin entre architecture, design et remorque atypique, cet objet hors du commun a été développé par le bureau Savioz Fabrizzi Architectes. Le regard architectural, qui en fait un « espace habité », caractérise la conception et la qualité d’usage qui en découlent.

 

La structure en panneaux sapin trois plis est installée sur une remorque standard dont la partie supérieure a été ôtée. Elle est isolée à l’extérieur sur trois faces par un revêtement apparent, naturel et léger : des peaux de mouton simplement collées sur le bois. La face arrière et la toiture sont recouvertes d’un carton bitumé pailleté apparent, pour permettre à l’eau de s’écouler facilement lorsqu’on incline le sauna.

 

Les banquettes intérieures sont réalisées en tremble, une essence de bois qui diffuse bien la chaleur. Le poêle à bois est boulonné à la structure. La remorque est prévue pour être utilisée en montagne. Ainsi, les planchers et les assises sont à l’horizontale lorsque le sauna est installé sur un terrain en pente. En position de transport, ils sont en biais.

 

Inspirés par la lecture de l’essai Éloge de l’ombre de Tanizaki Jun’ichirō, les concepteurs ont favorisé la pénombre à l’intérieur du sauna pour privilégier l’introspection, voire la méditation.

 

La forme trapézoïdale de la porte permet d’en amoindrir le poids à l’ouverture et d’en ralentir l’ouverture. Ainsi, les différentes contraintes inhabituelles de poids, de hauteur, de prise au vent, de règles de circulation ou d’insertion dans la pente n’ont pas empêché d’aboutir à un petit objet d’exception, bien au contraire !

 

Ironiquement, l’apparence sombre et poilue pourrait même s’assimiler à la silhouette d’un yéti dans la neige. La boucle est bouclée.

 

 


2. Un pavillon pour jardiniers

Architectes: Cabinets Architects

 

©Sven Högger. Parution CB1/2024

Maison des Jardiniers, Cabinets Architects.

 

©Sven Högger. Parution CB1/2024

Maison des Jardiniers, Cabinets Architects.

 

©Sven Högger. Parution CB1/2024

Maison des Jardiniers, Cabinets Architects.

 

Tout à l’extrémité est de l’allée de Belle-Terre à Thônex (Genève), quartier en devenir, un pavillon – à la fois discret et présent – marque dorénavant l’entrée (ou la sortie) du site. Réunissant sous le même toit des programmes techniques, sanitaires et de stockage pour quatre maîtres d’ouvrage publics, ce pavillon compact et multifonctionnel tisse des liens à toutes les échelles, du paysage à l’humain.

 

À mi-chemin entre le cordon boisé de Belle-Idée au nord et l’ancien quartier pavillonnaire au sud, ce petit objet vient jouer un rôle de pivot entre plusieurs milieux. Son volume, composé de quatre faces différentes, permet de manière fine d’accueillir, d’accompagner le mouvement, d’orienter, ou encore d’inviter à l’arrêt et à la flânerie. Se plaçant un peu comme les anciennes maisons de jardiniers en bordure de propriété, l’objet vient marquer la fin de l’ancien quartier pavillonnaire.

 

Se définissant comme une exception au quartier de villas adjacent, le bâtiment est comme construit à l’envers. À l’extérieur, un revêtement léger en bois plié, lasuré en bleu, joue avec l’alternance des rayures blanches des couvre-joints en bois peint en blanc, à l’image d’un vêtement. Dans l’idée que le bâtiment prolonge la nature, tout comme la courbe du mur qui complète la clairière, le bleu des façades cherche à prolonger celui du ciel.

 

Tout en contrastes, à l’intérieur, c’est le caractère rouge, brut et solide des briques de terre cuite des murs porteurs qui prédomine. À l’image d’une pergola, des poutres laissent passer la lumière dans les espaces. Par ailleurs, une lanterne signale le bâtiment au loin dans le quartier, tout en éclairant et marquant le centre du hall, passage entre zones sales et propres

 

En réussissant le pari de réunir des programmes variés dans un si petit espace, le bâtiment tisse des liens aussi bien paysagers qu’humains, tout en créant un signal fort sur le site. Chacune des analogies à l’architecture de jardin y participe (lanterne, fontaine, pergola, mur courbe), mais c’est en réalité le mélange de différents ingrédients qui recompose des liens subtils.

 

 


 

3. Un édicule de tri des déchets et du linge sale

Architectes: Boschetti Architectes

 

© François Bertin. Parution CB1/2024

Édicule de tri, Boschetti Architectes.

 

© François Bertin. Parution CB1/2024

Édicule de tri, Boschetti Architectes.

 

© François Bertin. Parution CB1/2024

Édicule de tri, Boschetti Architectes.

 

Sur les hauts de Lausanne, le site de la Fondation de la Rozavère regroupe plusieurs bâtiments (EMS, SPAH – structure d’accueil en attendant d’entrer à l’EMS –, restaurant, locaux administratifs), de différentes époques. L’entrée du domaine se voit signalée par un monolithe – à la fois sobre et bien présent. Ou comment joindre l’utile au symbolique.

 

Véritable carte de visite autant du bureau d’architectes qui l’a conçu que de la fondation qui l’accueille, ce petit objet brille par la force de l’ordre géométrique qu’il incarne et la pleine cohérence fonction/construction qu’il propose. Édicule de tri, le volume divisé à l’intérieur en deux locaux permet d’y entreposer autant les déchets que le linge sale.

 

La face lisse, tournée vers le bâtiment existant, se veut la plus calme possible pour ne pas rivaliser avec la bâtisse. L’autre face, côté route, est plus animée, avec quelques reliefs tels que des ouvertures de ventilation de forme ronde et une « gargouille moderne » pour l’écoulement des eaux pluviales de toiture.

 

La face la plus sculpturale s’accompagne d’une chaîne qui canalise le ruissellement sans éclaboussures. Un élément vertical fort qui apporte un équilibre à l’horizontalité de la géométrie de l’édicule.

 

L’implantation de l’édicule est maîtrisée jusqu’au détail de la pente de la toiture qui correspond exactement à la pente naturelle du terrain. Parfaitement aligné aux volumes environnants, il semble toujours avoir été là.

 

La couleur monochrome – grise – de l’ensemble des matériaux (le béton des murs porteurs, les briques silicocalcaires pour le mur intérieur, le métal des portes) participe à cet ordre harmonieux, calme et sobre. Même la toiture recouverte d’une résine a été teintée en gris béton, ce qui renforce l’aspect monolithique et unitaire.

 

Signal fort à l’entrée du site, l’édicule joue son rôle et va même au-delà.

 



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