Architecture

Des problèmes des forêts suisses à l’architecture

09 Juin 2023

La persistance de conditions sèches et chaudes durant la période de végétation a provoqué depuis 2018 des changements notables et mesurables dans la forêt. Comme le précise le dernier inventaire forestier, l’épicéa (dans le Jura, Plateau et Préalpes) et le hêtre (dans le Jura) ont vu leurs peuplements reculer pour différentes raisons. Le sapin blanc serait, quant à lui, extrêmement sensible aux événements climatiques extrêmes. Pour pouvoir continuer à remplir ses fonctions, la forêt doit donc s’adapter. Changer nos manières de bâtir peut-il favoriser le renouvellement de cet écosystème ? C’est en tous cas le point de vue adopté par le bureau d’architecture Kunik de Morsier lors de la construction de la crèche de Vufflens-le-Château.

 

©bois initial

La crèche de Vufflens-le-Château a été réalisée en bois de la région.

 

©Nicolas Delaroche. Parution CB2/2023

Chantier de la crèche La Vufflantine, vue intérieure.

 

Pour la nouvelle crèche de Vufflens-le-Château, réalisée en bois de la région, le bureau Kunik de Morsier a suivi le sourçage du bois, depuis son martelage en vue de l’abattage des sapins nécessaires pour la fabrication des éléments de charpente (ossatures, planchers, poteaux, pannes, éléments de poutres intérieures et arbalétriers). Cet ouvrage, dans lequel la ressource joue un rôle prépondérant dès la conception du projet, est développé en étroite collaboration avec les ingénieurs en construction bois de Bois Initial.

 

«Avant même de penser stockage de carbone ou pas par le bois–ce qui est par ailleurs une notion très controversée en Suisse – nous cherchons avant tout à inscrire un objet dans son territoire au sens large, explique Guillaume de Morsier. Nous avons une approche architecturale bioclimatique forte, ce qui signifie qu’une architecture appartient à son territoire de ressources et ceci aussi bien du point de vue matériel qu’au niveau des compétences humaines. La seconde moitié du 20e siècle a fortement participé à la déterritorialisation des pratiques constructives; désormais, lorsque nous travaillons sur un projet, dès les premières esquisses, nous cherchons d’abord une compréhension des filières qui composent la région.»

 

Un engagement sociétal

 

«En termes de choix des essences dans la construction, on utilise généralement du mélèze ou de l’épicéa. Dans ce projet, nous avons choisi, d’entente avec les différents professionnels de la branche, de favoriser l’usage du sapin blanc pour le bardage de façade, car on sait qu’il est voué à disparaître de nos forêts rapidement du fait du réchauffement climatique, par contre l’épicéa est plus résilient et devrait donc être préservé.

 

Aujourd’hui le «bois» est vu comme une solution miracle par les architectes et les constructeurs, mais on s’aperçoit rapidement qu’il s’agit d’une filière très complexe et que les choix doivent être faits en intégrant l’ensemble des acteurs, du forestier au charpentier. Nous essayons donc généralement de limiter l’usage du mélèze mais, dans ce projet, nous en avons utilisé en petite quantité sur une façade particulièrement bien abritée car, on le sait, le mélèze développe une belle patine chaleureuse avec le temps», précise l’architecte.

 

En toiture, le bois a été traité en autoclavage afin de lui conférer une plus grande stabilité dans le temps. Pour le bureau Kunik de Morsier, c’était l’occasion de tester ce type de traitement sur du sapin qui permet de le rendre aussi résistant dans le temps que le mélèze.

 

Une surélévation atypique

 

©Nicolas Delaroche. Parution CB2/2023

Éléments de charpente

 

Axonométrie éclatée de la nouvelle construction venant s’insérer dans l’existant

 

Commencée en octobre 2022, la crèche sera livrée pour la rentrée 2023. Le bâtiment est courbe en plan et en coupe et se place un peu en « banane » sur les vestiaires semi-enterrés situés entre deux bâtiments des années 90.

 

De par son implantation en surélévation, le nouveau bâtiment permet de préserver l’ensemble des aménagements paysagers et des terrains de sport existants.

 

Dans cette logique de surélévation, la légèreté d’une charpente bois s’imposait de facto. La commune de Vufflens-le-Château étant membre d’un triage forestier, il a été possible d’intégrer l’utilisation du bois local dès l’avant-projet et ainsi d’intégrer la coupe des arbres dans le calendrier général de l’opération.

 

Les quelque 306 m3 de bois ont été coupés au mois de novembre, séchés artificiellement, puis débités en lamelles qui ont été ensuite collées ensemble pour former les éléments de charpente tels que les poteaux et les poutres. Le séchage a permis de gérer l’approvisionnement saisonnier et de contrôler plus précisément le séchage du bois tout en réalisant un gain de temps notoire.

 

La mise en place d’un calendrier «millimétrique» a été rendue possible par le recours à la préfabrication d’un grand nombre d’éléments (plancher, toiture et poteaux).

 



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