Hall.haus: de la culture urbaine au design industriel
Dans chaque numéro d’Espaces contemporains, la décoratrice suisse Élodie Raneri (J’aime pas les dimanches) nous livre un de ses coups de cœur du moment. Ce mois-ci, elle nous fait découvrir qui se cache derrière le collectif de designers Hall.Haus: quatre jeunes des cités parisiennes qui rafraîchissent l’esprit du Bauhaus.
Fondé en 2020, Hall.Haus est un collectif comprenant quatre jeune designers de la banlieue parisienne: Abdoulaye Niang, Sammy Bernoussi, Teddy Sanches et Zakari Boukhari. Ils prônent une démarche créative issue d’un cheminement entre leur environnement (d’ où le « Hall » de leur nom) et du design (le « Haus »). En effet, « Hall » renvoie aux grands immeubles d’habitation de la banlieue parisienne, pendant que « Haus » est une référence directe au Bauhaus, mouvement de design et d’architecture du début du XXe siècle basé sur la standardisation.
Abdoulaye, Sammy et Teddy sont diplômés de l’ENSCI en création industrielle et Zakari suit actuellement le cursus Génie des procédés énergétiques à l’école Arts et Métiers. Les quatre designers imaginent le monde de demain en s’inspirant de leur héritage multiculturel, de l’artisanat traditionnel et de la rue, avec le double objectif d’agir en faveur de la transition écologique et de rendre le design accessible au plus grand nombre, et surtout aux jeunes.
Nous avons pu faire leur connaissance à Maison&Objet en janvier 2023. Au sein du salon, leur stand se faisait remarquer par sa scénographie et ses objets en couleur jaune vif. C’est que le design d’Hall.Haus interpelle et raconte une histoire, leur histoire. Le jaune éclatant rend ainsi hommage au soleil, le dénominateur commun entre leurs différents pays d’origine.
Hall.Haus se réapproprie les codes et les objets en y combinant des références populaires en partant d’un héritage éclectique commun fortement inspiré par le hip hop et le design du XXe siècle. Ils parlent de désacraliser le design, de l’ancrer au cœur de la société, de transmettre leur expérience. Notre projet explique Teddy, est de « faire des allers-retours, d’injecter notre identité dans le design et parallèlement que le design soit injecté dans nos créations ». Cela nous permet de créer des objets dans lesquels tout le monde se reconnait.
Le premier projet présenté par le collectif, la chaise Curry Mango, est un exemple parfait du croisement ingénieux entre la culture de la rue et le design.
Ce siège s’inspire de deux chaises iconiques. Tout d’abord, la chaise de camping Quechua, produite par Decathlon. Cette chaise populaire, pliable et légère, est souvent utilisée dans les HLM pour se poser avec des amis, prendre des cafés, discuter dans les espaces publics entre les immeubles. Il s’agit d’un symbole de conversation et d’échange au sein de la culture populaire et urbaine.
Par un détournement inattendu, Hall.Haus a créé une hybridation de la chaise Quechua avec une chaise iconique du design du Bauhaus: la fameuse Wassily dessinée par Marcel Breuer et éditée par la marque de luxe Knoll. Cette chaise était révolutionnaire à l’époque dans son utilisation des matériaux (tubes en acier courbés et cuir) et de ses méthodes de fabrication: légère, d’un assemblage aisé, elle était facile à produire.
Le mélange heureux de ces deux références a donné vie à Curry Mango: une assise pliable en cuir en bois (ci-dessus).
Deuxième objet qui nous a interpellé dans la collection, l’Olympic bench. Hall.Haus a voulu ici attirer l’attention sur le fait qu’il y a très peu de bancs aujourd’hui dans le paysage urbain des cités (une des raisons expliquant le succès de la chaise Quechua). Le peu de mobilier urbain qui est installé s’avère peu confortable pour empêcher les sans-abris de s’y attarder, au détriment de toute la population. Les quatre designers ont donc conçu un banc large et confortable pour tous ceux qui occupent la rue, dans les quartiers urbains périphériques comme au sein de la capitale. Les cercles perforés de l’assise sont un clin d’œil à la torche olympique dessinée par Barber Osgerby en 2012 alors que Paris s’apprête à son tour à accueillir les Jeux.
Aux côtés de la chaise Curry Mango et de l’Olympic bench, on découvre également une lampe dont le design évoque celui de la célèbre Pipistrello. À la grande différence près que le luminaire « Hall of the Lights » a été créé à partir d’une boite en carton de la marque de basket Nike.
Hall.Haus a déjà effectué toutes sortes de collaborations, allant d’artistes algériens à des partenariats tels que Nike ou Adidas.
Quand on regarde leur travail, on se dit que le monde de demain est entre les mains de jeunes architectes qui savent se réapproprier les objets du quotidien. On vous invite à suivre leur compte instagram, pour mieux comprendre leur processus de création