Architecture

Le béton entame sa mutation écologique

14 Avr 2023

Le béton est aujourd’hui largement critiqué pour son impact environnemental. Face à cette mauvaise réputation, les professionnels de la branche innovent et font valoir des arguments pertinents en faveur de l’écologie. Le matériau a d’ores et déjà entamé sa mutation en Suisse. Explications.  

 

© C.G. Saint Gobain

Béton de terre crue Saint Gobain.

 

Le béton a été mis sous les feux des projecteurs de la protection du climat mais, pour Pierre Barbey, directeur de Barbey Frères SA, c’est un faux combat: «Le béton est un matériau plus que régional et qui peut se targuer de bénéficier de circuits ultracourts! Sans oublier qu’il peut être recyclé à l’infini.»

 

L’éco-béton ou béton recyclé

 

Le béton est un matériau de construction composé d’environ 80 % de granulats (gravier et sable), 15 % de ciment, 4 % d’eau et 1 % d’adjuvant. Le béton recyclé s’en différencie en utilisant des granulats recyclés en substitution totale ou partielle des granulats naturels extraits des gravières.

 

Étant donné que les granulats naturels ne sont pas une ressource renouvelable, l’avenir du marché se dirige à vitesse grand V vers les éco-bétons. D’autant qu’avec plus de 70 millions de tonnes de déchets générés chaque année par la déconstruction et l’excavation, les ingrédients de base ne manquent pas pour la fabrication de béton recyclé.

 

Il faut ainsi signaler que  tous les types de béton NPKC, excepté le G, sont disponibles en éco-béton et à des prix concurrentiels, voire inférieurs comme c’est le cas des éco-bétons proposés par la jeune société BGO, à Vufflens-la-Ville. Les nouvelles entreprises et les nouvelles technologies se pressent donc au portillon d’un des plus gros marchés de la construction avec, en tête de liste, les grands acteurs de la branche, comme Holcim, Hoffmann et Saint-Gobain.

 

Camion béton société BGO.

 

Le béton éco-circulaire de proximité

 

Le béton éco-circulaire de proximité est un béton recyclé traité et produit localement. Dans le cas de l’entreprise BGO mentionnée précédemment, on travaille par exemple à la réduction de l’impact environnemental du béton en utilisant des fournisseurs qui proposent des ciments bas carbone et en utilisant de l’eau et des granulats recyclés.

 

Cette centrale à béton fait partie d’un concept d’économie circulaire à Vufflens – la Plateforme la Plaine – qui propose ce que l’on appelle désormais le re-recyclage! Cette plateforme traite les terres d’excavation et les matériaux issus de la déconstruction en substituant leur mise en décharge par l’extraction de granulats. Ce concept réduit drastiquement le «tourisme» des matériaux transportés vers les décharges ou prélevés en gravière, parfois à l’étranger. Ces granulats recyclés et l’utilisation d’eau recyclée issue des lavages sont introduits dans les bétons recyclés.

 

«Malheureusement, ce type de béton est sous-utilisé car encore peu connu et, malgré la prise de conscience environnementale, la régulation n’est pas assez contraignante en Romandie», explique BGO. Les coûts, légèrement supérieurs, liés au traitement et à la production locale, sont également un frein à son utilisation.

 

C’est pourquoi BGO et Plateforme la Plaine invitent régulièrement les bureaux d’ingénieurs et maîtres d’ouvrage à visiter leur plateforme afin d’évaluer la qualité du béton recyclé. Pour les membres de l’entreprise BGO: «L’avenir est au béton recyclé qui doit être utilisé plus souvent afin de réduire les prélèvements de matériaux naturels.»

 

Le béton bas carbone pour remplacer le clincker

 

Le problème principal de la pollution du béton vient avant tout du ciment et le problème du ciment, c’est le clinker.  Issu d’un mélange de calcaire et d’argile cuit à une température d’environ 1450 °C, le clinker est, de fait, très polluant. S’en passer dans la composition du béton permet d’ouvrir de nouvelles perspectives pour la construction durable et d’envisager des chantiers décarbonnés.

 

À Genève, Hoffmann Green Cement, en partenariat avec le groupe de construction Maulini, sont en train de construire le premier immeuble de logements d’Europe entièrement réalisé en ciment sans clinker.

 

Le bâtiment Rambosson construit en béton sans clincker.

 

Sur six étages, le bâtiment Rambosson comprend 17 appartements qui seront livrés en septembre. «Cela représente 1700 m3 de béton et, avec ce nouveau matériau, l’économie de CO2 est de 350 tonnes», se réjouit Nicolas Maulini. Ainsi, l’ensemble de l’immeuble (fondations, poteaux, poutres, voiles, planchers, etc. ) est fait à partir d’un nouveau produit de Hoffmann Green Cement, le ciment décarboné H-UKR, 0 % clinker.

 

Pour Julien Blanchard et David Hoffmann, cofondateurs de Hoffmann Green Cement Technologies: « La réalisation de ce chantier d’envergure et entièrement décarboné sur le territoire suisse démontre à la fois la compétitivité et la qualité du béton Hoffmann; mais aussi plus globalement, qu’il est possible dès aujourd’hui de décarboner massivement le secteur de la construction grâce à la technologie. » Convaincu par ces nouvelles technologies, le directeur de l’entreprise Maulini, entend poursuivre des chantiers conséquents de ce type afin de pouvoir répondre à la demande grandissante de l’ensemble de des acteurs pour une construction décarbonée.»

 

 

Le béton de terre crue et autres alternatives

 

Il existe plusieurs façons d’exploiter la terre crue dans la construction, notamment sous forme de briques de terre ou de béton. Le béton de terre crue est composé 97 % de matériaux provenant de terres excavées.

 

S’il est aujourd’hui exploité à l’échelle de petits projets, le groupe Saint-Gobain est en train de changer la donne en se lançant dans un chantier de grand bâtiment à Marseille. L’entreprise travaille actuellement sur le futur Campus Méditerranéen du Numérique, qui sera construit uniquement à partir de matériaux d’excavation récupérés, ce qui représente 2,2 millions de tonnes de terre.

 

En parallèle, les recherches continuent pour intégrer des matériaux renouvelables dans les processus de production. En France, la société Neolithe a même créé un procédé pour transformer les déchets de décharges communale en pierre de construction.Les déchets sont traités par fossilisation dans des conteneurs qui peuvent être déployés facilement sur le territoire.

 

Pierre de construction en béton de Neolithe.

 



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