10 albums archi bien construits
De manière naturelle, l’architecture a toujours représenté un terreau fertile pour la bande dessinée. Depuis les premières planches de Winsor McCay dans Little Nemo au début du XXe siècle à la plus récente plongée de Manuele Fior dans un Venise d’une beauté sombre (Celestia), l’architecture contextualise, symbolise, projette un univers souhaité. Lisez un Spirou pour vous en convaincre, ou suivez le dessinateur Herji dans le portrait doux et bichromique qu’il vient de consacrer à la ville de Carouge. L’archi est partout, de Franquin à Rabagliati, de Frederik Peeters à Bilal et Jiro Taniguchi. La ville et ses bâtiments sont les terrains de multiples descriptions et réflexions. Parfois même, c’est un objet en particulier qui en est le centre comme avec les Thermes de Vals pour Lucas Harari.
A suivre, dix albums illustrés choisis parmi quelques milliers. Parce qu’ils sont incontournables dans l’histoire du 7ème Art, parce qu’ils rendent hommage à un bâtiment iconique ou pour leur pure beauté formelle. Un choix forcément subjectif, mais un choix de BD hautement recommandables.
1/ Building Stories, de Chris Ware
Éditions Delcourt
Un monument de la bande dessiné par un des plus grands auteurs de romans graphiques. Le coffret rassemble 14 bandes dessinées de formats différents, qui traitent en autant de variations d’une galerie de personnages habitant le même immeuble de Chicago. Une construction sans lien séquentiel ou chronologique évident, où chacun peut choisir son propre arc narratif.
2/ L’aimant, de Lucas Harari
Éditions Sarbacane
Dans cet album à l’ambiance policière proche des livres de Friedrich Glauser, Lucas Harari offre un hymne au bâtiment en quartzite de Peter Zumthor. Son architecture y est magnifiée par la ligne claire de son trait et par l’utilisation d’une trichromie comme unique palette de couleurs.
3/ Tout Marc-Antoine Mathieu
Éditions Delcourt
Il est l’un des rares bédéastes à avoir réussi à faire sortir la bande dessinée de ses cases. Illusioniste en chef, créateur d’un monde intérieur – une sorte de dédale cérébral, il imagine des mondes dystopiques – dont l’un se déroule dans les coulisses du Louvre, qui jouent avec notre réalité.
4/Eileen Gray, Une maison sous le ciel, de Charlotte Malterre-Barthes et Zosia Dzierzawska
Éditions Dargaud
Située sur le presqu’île de Roquebrune-Cap-Martin, la villa E-1027 est cette icône du modernisme qui consacrera l’architecture humaine et sensuelle d’Eileen Gray. Cette villa blanche est ici au bénéfice d’une biographie aussi fouillée que documentée rendant à Eileen ce qui avait été longtemps attribué à Le Corbusier.
5/ Charlotte Perriand, une architecte française au Japon, de Charles Berberian
Éditions Arte Editions/Chêne
Longtemps dans l’ombre de Le Corbusier et Pierre Jeanneret, cette pionnière de l’art de vivre est ici biographée en images par un Charles Berberian qui la croque lors de ses aventures japonaises, prémisses d’un style fait de dépouillement et d’essentialisme.
6/ Les cités obscures, de Françoise Schuiten et Benoit Peeters
Éditions Casterman
Née en 1982 de la collaboration de François Schuiten et de Benoît Peeters, Les Cités obscures est une série mythique de la bande dessinée contemporaine. Bien que nourris de références à notre monde, notamment sur le plan architectural, ces différents livres s’inscrivent dans un univers parallèle au nôtre, dont la cohérence s’affirme de plus en plus. Huit de ces albums sont des bandes dessinées à part entière ; les autres explorent des formes différentes de narration : récit illustré, journal imaginaire, guide de voyage, DVD vidéo…
7/ Citéville et Citéruine, de Jérôme Dubois
Éditions Cornélius et Matière.
Bienvenue dans un monde qui ressemble étrangement au nôtre. Dans Citéville, plongez dans une cité idéalisée, fonctionnalisée à l’extrême. Dans Citéruine, basculez dans la même métropole, mais laissée à l’abandon, vidée de ses habitants. L’effet est saisissant, l’idée d’un avant-après assez déstabilisante.
8/Soleil mécanique, de Lukasz Wojciechowski
Éditions Ça et Là
Architecte de formation, Lukasz Wojciechowski s’est inspiré de l’histoire chaotique de l’architecture européenne des années 1930-1940 pour une satire des délires de grandeur du régime nazi. Un album réalisé sous Autocad, avec un dessin à plat qui confirme les promesses entrevues dans Ville nouvelle.
9/ Celestia, de Manuele Fior
Éditions Atrabile
Il n’y a pas pas beaucoup de ville qui fascine autant que la Sérénissime, architecturalement parlant. Dans Celestia, petite île de pierre construite sur l’eau – et double métaphorique de Venise, on suit l’histoire de Dora et Pierrot dans un dédale urbain et mental qui est aussi une réflexion sur le futur de l’être humain. de toute beauté.
10/ Le monde Lectol, de Louis Loup Collet
Éditions Hélice Hélas
Des dessins de grand format qui envisagent la Lausanne de demain, aux alentours de 2550. Dans cette utopie / dystopie dessinée à l’encre de Chine, le dessinateur écalien imagine la ville d’aujourd’hui rendue à la nature, ensauvagée à son insu. Une réalité peut-être pas si fictionnelle que ça.