Architecture

Vers une nouvelle qualité de lumière

02 Fév 2023

Il y a 20 ans, l’arrivée des LED de puissance sur le marché a opéré une véritable révolution dans la manière d’éclairer nos intérieurs. Les diodes éclairantes ont libéré les designers d’un grand nombre de contraintes. Plus besoin d’ampoules en forme de bulbe, de tube néon et d’abat-jour. Sont apparue de nouvelles typologies de lampes qui ne ressemblaient plus du tout à celles qu’on avait connu: des objets éclairants en forme de cordes, de rubans, de cerceaux, de disques ultra plats. En parallèle, de nouvelles perspectives se sont ouvertes quant à qualité de l’éclairage artificiel. Comment a évolué la technologie LED ces dernières années ? Quelles innovations sont apparues ? Nous avons posé ces questions au designer Davide Oppizzi, fondateur de l’agence de design DCUBE à Genève.

 

Davide Oppizzi.

 

Quelles ont été les dernières évolutions technologiques concernant les ampoules LED?

 

– Ces 5 dernières années, on a assisté à des grandes améliorations sur la qualité «  HD » de la LED, c’est à dire sa capacité à reproduire fidèlement les couleurs. Ainsi, les ampoules de qualité ont un Indice de Rendu des Couleurs (IRC) supérieur à 90, ce qui est suffisant pour que l’œil humain puisse distinguer correctement toutes les couleurs. Surtout, les ampoules offrent désormais une teinte générale (une température de couleur en degré Kelvin) qui s’approche du spectre naturel, partant de la teinte d’une bougie chaude à la teinte plus froide de la clarté du jour.

 

Ces températures peuvent se trouver individuellement dans chaque ampoule LED ou être mises les unes à côté des autres sur le circuit imprimé. Lorsque deux têtes, chaude et froide, sont sur le même circuit imprimé, il devient possible, soit de réguler la température de sortie de la lumière individuellement par piste led chaude ou led froide (dynamic white ou tunable white), soit de changer la température de couleur lorsque l’intensité diminue (avec la technologie dim to warm technology, la teinte devient plus chaude au fur et à mesure que l’on varie l’intensité de la lumière vers le bas ). Ces options de variation de teinte ont ouvert le champ des possibles en matière d’éclairage avec la possibilité de reproduire la le spectre de teintes du cycle solaire dans l’environnement naturel.

 

Mise en lumière d'une villa par Davide Oppizzi.

 

-Avec les luminaires « tout intégrés », dans lesquels on ne peut pas changer l’ampoule LED,  a-t-on pas inventé le luminaire jetable ?

 

L’obsolescence programmée en matière d’éclairage date des premières ampoules électriques dont on fragilisait le filament pour le remplacer plus souvent… Il y a 20 ans, je me souviens que les fabricants de LED promettaient 100 000 heures de fonctionnement. Cela n’a pas duré longtemps. Depuis 12-15 ans, les garanties sont passées à 50 000 heures pour un éclairage professionnel, de 15 000 à 25 000 heures pour les ampoules à visser tout public.

 

La durée de vie limitée des lampes vient souvent du corps du luminaire qui, s’il est trop petit, a du mal à dissiper la chaleur projetée par la LED vers l’arrière. Sans une masse de métal suffisante pour jouer le rôle de dissipateur thermique, il ne peut y avoir d’ampoule LED puissante.

 

D’autre part, si une LED a potentiellement la chance de tenir  50 000 heures, elle est obligatoirement pilotée par un système électronique, qui, lui, ne dure souvent que 10 000h à 20’000h.

 

Face au problème de devoir changer de luminaire, ont été développé des gammes universelles dites « retrofit » qui permettent d’extraire l’ensemble LED-PCB-Aluminium. Mais elles n’existent que pour l’éclairage professionnel.

 

 

On entend de plus en plus souvent parler de lampes intégrant des LED COB. Qu’est-ce que c’est ?

 

-Les LEDs COB (« chip-on-board ») sont arrivées sur le marché professionnel environ vers 2008. Elles ont l’avantage de pouvoir gérer des puissances importantes grâce au circuit imprimé derrière la LED ainsi qu’à un dissipateur thermique arrière: parce que la chaleur est absorbée par l’arrière, on obtient un éclairage plus puissant en Lumen.

 

Côté design, comme l’oeil jaune de la LED COB est souvent plus gros, son architecture optique est réalisée avec des réflecteurs et non des lentilles. Cela permet une meilleure distribution de lumière et donc une projection de lumière plus propre en périphérie notamment. Cependant, les LED COB provoquent des gros risques d’éblouissement si le point LED ressort de manière trop visible à l’avant du luminaire. C’est la raison pour laquelle une lampe bien conçue positionne la source LED le plus profondément possible dans l’abat-jour afin de créer un confort et une sécurité optique notable.

 

De manière plus générale, les nouvelles typologies de luminaires possèdent aujourd’hui des facultés très poussées dans la projection de la lumière par des optiques capables d’offrir des angles inédits (lentilles asymétriques, paraboliques, ovales etc ).

 

 

Lampe Fez de Baltensweiler avec ampoule LED COB.

 

Dans les années 2010, Philips lançait les premiers modules OLED (organic light-emitting diode ) dédiés à l’éclairage. À l’époque, les OLEDs étaient présentées comme des alternatives aux LEDs. Quelle est l’avenir de la technologie OLED?

 

– Le fort coût de production des OLED et leur rendement faible ont limité leur percée, en tout cas pour l’éclairage de puissance nécessaire dans l’architecture. Nous même avons présenté en collaboration avec LG Electronic Corée du Sud un projet prototype en 2018. Le concept a eu du succès, mais le coût de production a eu raison de l’arrêt de ce projet. Les OLED sont maintenant utilisés dans l’éclairage automobile et les écrans type tablettes, qui demandent une finesse et une puissance moindre.

 

 

Difficile d’évoquer les évolutions technologiques dans l’éclairage sans parler d’automatisation. Où en est-on?

 

-Nous sommes clairement entrés dans l’ère du Software de la lumière. Qui dit Software, dit composants électroniques avec chip intégrés capables de gérer tous types de lampes. Aujourd’hui, il est devenu facile d’assigner à chaque lampe des fonctions, des variations et des scénarios divers. Par exemple, un système comme Casambi Bluetooth -qui est open-source et très flexible – permet de réaliser des programmations simples et super efficaces sans aucune centrale complexe dans la maison. Tout est basé sur un jumelage Bluetooth, ce qui permet notamment de piloter par exemple une lampe vintage en leur ajoutant simplement une petite puce

 

 

Comment les designers ont exploité le principe de mise « chaîne » des LED, autrement  dit, la possibilité de connecter les LED directement entre elles sans câble supplémentaire ?

 

-Le principe de la mise en « chaîne » des LED est très utile, surtout pour créer des longueurs ou des formes spécifiques avec des lampes que l’on a besoin de juxtaposer. Le danger réside cependant dans la fragilité des connecteurs et de la gestion des puissances électriques. C’est pourquoi le principe du rail magnétique – dans lequel on vient fixer des spots sans recours à vis et des fils électriques- me semble encore plus intéressant.

 

© raumideen Iserlohn-Juliander Enßle

Magnetic Track A.24 avec spots Vector, Artemide. Il est possible de déplacer librement dans l’espace avec des points les spots jusqu'à 14 mètre du branchement électrique.

 

 

-Quelles perspectives ouvrent les nouvelles technologies du LED concernant la santé?

 

Pendant longtemps, le plus gros souci du LED a été sa courbe du spectre bleu trop prédominant dans la photométrie, ce qui détruisait notre horloge naturelle par l’inhibition de la mélatonine et donc à perturber le cycle circadien éveil-sommeil. Aujourd’hui, l’intégration dans les composants des LEDs de plusieurs têtes, diffusant une lumière chaude et froide, ainsi que les développements de la programmation, nous permettent de reproduire la courbe du soleil.

 

Dans notre studio, nous sommes très actifs dans les hôpitaux où nous créons des atmosphères qui régulent le cycle de sommeil des patients, mais aussi des soignants. Nous avons également développé pour l’habitat des systèmes d’éclairage biodynamiques.

 

Pour les pièces borgnes de la maison, un ciel artificiel développé par Davide Oppizzi pour le fabricant Coelux. Ici projet de résidence privée.

 

 

-Quels progrès au niveau de la pollution lumineuse des espaces extérieurs ?

 

Nous travaillons toutes les problématiques de pollution lumineuse nuisible à notre environnement lors de conceptions de luminaires outdoor. Par exemple, notre luminaire Needoo pour Artemide inclus un filtre qui élimine le spectre bleu afin de protéger davantage plus le cycle circadien végétal et animal.

 

Luminaire Needoo, design Davide Oppizzi pour Artemide. Il inclut un filtre qui élimine le spectre bleu afin de protéger le cycle circadien végétal et animal.

 



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