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La Suisse, championne des tours en bois

02 Mai 2024

Le bois serait-il engagé dans une sorte de compétition pour faire aussi grand, haut et rapide que l’acier et le béton? Mécaniquement, tout semble possible en termes de portée et de résistance. Un peu partout dans le monde fleurissent de véritables tours d’habitation et de bureaux en bois. Or, la Suisse tient une très belle place dans cette course verticale.

 

© CCHE

La tour en bois Malley Phare en Suisse romande dessinée par les architectes de CCHE.

 

L’architecture verticale, c’est d’abord une histoire de rêve. Du mythe de la tour de Babel aux immeubles de grande hauteur, l’humanité n’a jamais cessé de vouloir se rapprocher du ciel. Chicago a vu naître au 19e siècle le premier gratte-ciel qui surplombe la ville du haut de ses 55 mètres. Dans les années 1950, c’est à New York que fleurissent de grands immeubles aux façades rideaux entièrement vitrées. S’ensuivront partout dans le monde, toutes sortes de constructions élevées, conçues comme autant de déclarations audacieuses. À l’exemple très médiatisé du gratte-ciel Burj Khalifa à Dubaï (Émirats Arabes Unis) qui bat actuellement tous les records de hauteur avec ses 828 mètres.

 

Mais en réalité, la perpétuelle course au dimensionnel dans l’architecture a parfois tendance à faire oublier à quel point l’immeuble de grande hauteur peut encore être utile au développement de la ville contemporaine. Et cela, d’autant plus, que se déroule en ce moment une révolution dans l’histoire de ce type d’édifices: partout dans le monde, architectes et ingénieurs commencent à fabriquer de grandes tours à partir d’un matériau renouvelable et durable, le bois.

 

S’ils n’atteignent pas encore tout à fait les 100 mètres de hauteur – taille minimale pour rentrer dans la catégorie des « gratte-ciel »- les grands bâtiments en bois ont l’avantage de stocker le carbone entre leurs murs pendant des décennies, l’empêchant de pénétrer dans l’atmosphère. Lorsqu’il est récolté de manière responsable, le bois apparaît comme l’un des meilleurs outils pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la construction. Renouvelable, écologique, ce matériau naturel se caractérise aussi par de multiples phases d’utilisation: en fin de vie des bâtiments, le bois peut très bien servir de matériau de combustion.

 

Les constructions en bois ont, par ailleurs, démontré leur capacité à satisfaire aux normes de protection incendie. Elles promettent également un gain de temps lors des chantiers grâce à la possibilité de préfabriquer un certain nombre d’éléments.

 

Si l’utilisation du bois pour la structure porteuse des édifices est aujourd’hui possible, c’est en raison du développement de technologies de pointe comme les bois lamellés croisés (CLT) et le bois de placage stratifié (LVL).

 

En Suisse, après la levée des restrictions légales en 2015, l’inauguration en 2018 d’un bâtiment de bureaux à Risch-Rotkreuz (le Suurstoffi 22, Zoug) a marqué un tournant. Ce bâtiment de 10 étages et 36 mètres de hauteur réalisé par Burkard Meyer Architekten et Zug Estates SA  est considéré comme la première tour en bois de notre pays. Un pas décisif pour la Confédération qui, depuis, a vu le lancement de plusieurs autres bâtiments de grande envergure. Non loin du Suurstoffi 22 a notamment été réalisé un bâtiment avec une structure en bois de 15 étages et de 60 m de haut pour le campus de la Haute école de Lucerne.

 

©RogerFrei. Autorisation Zug Estates

Tour en bois sur le campus de la Haute école de Lucerne. Zug Estates SA.

 

Devenue championne en la matière, la Suisse devrait abriter en 2027 l’un des immeubles en bois les plus hauts du monde, se dotant ainsi d’une véritable attraction pour la ville de Lokstadt (Winterthour). Nommée Rocket&Tigerli, cette tour en bois dessinée par Schmidt Hammer Lassen Architects, Cometti Truffer Hodel Architects et Implenia devrait s’élever à 100 m de hauteur. Elle devrait ainsi dépasser la Mjøstårnet de Voll Arkitekter (en Norvège) qui détient actuellement le record avec 85,4 mètres  de haut.

 

©Schmidt Hammer Lassen

Le projet Rocket&Tigerli se composera de quatre bâtiments dont un doté d'une tour de 100 mètres de haut (la tour Rocket). Dans la tour Rocket, se trouveront des appartements. La conception offrira des logements modernes et de haute qualité avec un apport maximal de lumière du jour. Ils seront intégrés à un quartier dynamique. La structure sera en bois et s'élèvera à 100 mètres de hauteur. Les façades seront recouvertes de terre cuite.

 

Un autre projet de tour en bois d’envergure est celui de la tour Pi, à Zoug, dessinée par Duplex Architectes. Si le projet est actuellement en pause, son ambition est de s’élever à 80 mètres de hauteur.

 

© Duplex Architectes. Visualisierung: Filippo Bolognese

Projet de tour Pi, Duplex Architectes. Maître d'ouvrage Implenia. Si la plupart des immeubles en bois conservent un socle en béton, le projet Pi possède un squelette entièrement en bois. Le bâtiment transpose le célèbre principe du "tube dans le tube“ des constructions en acier et béton du Chicago des années 1950. On aura à l’extérieur, un cadre composé de colonnes verticales reliées à des poutres horizontales. Au centre du bâtiment, se trouvera un second cadre composé de la même manière. Les dalles entre les étages seront réalisées avec un mélange de placage de bois et de béton.

 

En Suisse romande 

 

Autre exemple, au printemps 2025 sera livrée une tour en bois de 14 étages et 65 mètres de haut à Malley. Son nom est plus qu’évocateur: Malley Phare.  Cette construction entend devenir le symbole de ce quartier de l’Ouest lausannois en pleine mutation. Conçu avec des objectifs énergétiques et écologiques exemplaires, respectant les directives des labels Site 2000 Watts et Minergie-Eco, ainsi que la norme SIA-2040, le projet en cours de construction sera la première tour en structure bois de Suisse romande avec une façade active en photovoltaïque.  Conçue par les architectes de CCHE et réalisée en entreprise totale par un consortium entre JPF Entreprise générale et Perspectives Construction pour le compte de la SUVA, elle accueillera 96 appartements et 6 espaces de coworking.

 

© CCHE

La tour en bois Malley Phare dessinée par les architectes de CCHE.

 

C’est ainsi que sans chercher le record à tout prix, les projets de tours en bois misent aujourd’hui sur des bases de développement environnemental ­solides.

 



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