Quatre architectes romands, quatre villas
Zoom sur quatre réalisations conçues par quatre architectes d’ici: une maison de plain-pied à Veyrier, une villa dans un parc à Vandoeuvres, une maison d’hôtes au Mont-sur-Rolle et une surélévation au coeur de Lausanne. Chacune à leur manière, elles témoignent de la vivacité, de la créativité et du savoir-faire de l’architecture made in Romandie. Petite visite.
N°1. Une maison contemporaine du bureau Charles Pictet Architectes associés. A l’ombre des arbres, elle a trouvé sa place dans une commune de la campagne genevoise où les paysages témoignent de la présence forte d’une nature centenaire.
Le projet:
Cette maison, c’est d’abord une histoire de projets personnels et de patrimoine familial : une femme et l’un de ses enfants possédant déjà deux maisons existantes sur la même parcelle souhaitaient en construire une troisième sur ce grand terrain. C’est aussi l’illustration de la maturité de l’architecte Charles Pictet et de ses associés qui y mêlent expériences architecturales vécues, simplicité intemporelle et intégration sensible au lieu.
L’inspiration se veut ici nordique. En effet, le langage architectural nordique s’adapte tout à fait au caractère du lieu. Il se caractérise notamment par la couleur blanche, la simplicité des volumes extérieurs, ou encore par des références directes utilisées pour le dessin de la cheminée (Asplund), de la lampe murale du couloir (Utzon) ou des mains courantes en laiton. L’architecture de l’église de Bagsvaerd au Danemark, de Jorn Utzon, par son expression simple de type « entrepôts » à l’extérieur et plus complexe à l’intérieur avec des volumes arrondis, a insufflé le caractère de la maison de Vandoeuvres. Les arrondis qui adoucissent les angles à l’intérieur jouent sur la lumière zénithale et changent la perception de l’espace.
De grands arbres centenaires longent la propriété et la route. Très hauts et situés au sud-ouest, ils inondent la parcelle d’une large ombre portée. C’est justement à l’ombrage de cette végétation que la maison vient s’installer. Pouvant être considéré comme une contrainte, ce cordon boisé constitue finalement une chance : il filtre les regards depuis la route et stimule la créativité des concepteurs pour le traitement de la lumière. Un dispositif architectural de toitures de type sheds, captant au nord et au sud la lumière zénithale apporte une force particulière aux différents espaces de la maison.
Par une juxtaposition de volumes rectangulaires décalés, de tailles différentes et contenant des programmes spécifiques, un parcours se dessine, d’une lumière à une autre. Le terrain descend en pente douce. Depuis le garage jusqu’au salon, d’un bout à l’autre de la maison, quelques marches séquencent à chaque fois les différents espaces.
(Texte de Marielle Savoyat)
N°2. Une maison d’hôtes du Bureau Pierre-Alain Dupraz. Sur les hauteurs viticoles de Mont-sur-Rolle, cette villa nommée « Verveine et Romarin » accueille les amateurs de bonne table dans une ambiance intimiste.
Le projet:
Expert en topographie, l’architecte Pierre-Alain Dupraz a tiré profit du terrain escarpé – son terrain de jeu de prédilection – pour mettre en valeur l’art de la table, qui deviendra le coeur de cette maison d’hôte tenue par un restaurateur.
C’est en effet sur une pente que s’inscrit cette petite construction de 125 m2 (le maximum autorisé par le règlement communal), avec un rapport hors pair au sol, au plus proche des courbes de niveaux naturelles. Arrivant par le nord, les hôtes bénéficient d’un avant-goût de la vue spectaculaire qui les attend à l’intérieur au travers d’une grande baie vitrée à fleur de sol et à hauteur du plan de travail. Vitrine sur la table d’hôtes et la cuisine en contrebas de l’entrée, cette grande ouverture offre également un rapport inattendu, intimiste et amusant entre l’intérieur et l’extérieur.
Côté matériaux, les architectes ont recherché la simplicité. Les murs sont construits en brique, tandis que les ferblanteries, les toits et les dessous d’avant-toits sont en tôle éloxée. Les baies vitrées et l’ensemble du revêtement des murs extérieurs issus de la marque Panoramah! complètent le caractère résolument contemporain de la villa. Une charpente en bois porte la toiture à trois pans, dont les pentes se rejoignent en un point particulier : au-dessus de la table d’hôtes.
Du côté de la chromatique, les deux tons contrastés choisis sont reposants : une teinte brun foncé à l’extérieur, du blanc à l’intérieur. Afin d’unifier le volume extérieur, l’architecte a sélectionné la couleur la plus sombre parmi celles autorisées par la commune de Mont-sur-Rolle.
À l’intérieur, un plâtre blanc est appliqué partout, ce qui offre une impression d’espace plus ample. La volumétrie des toitures ainsi que les avant-toits, imposés par le règlement communal et réalisés de manière généreuse sur une longueur de 1,25 m, amplifient également la sensation spatiale. Malgré les difficultés et les contraintes imposées par la petite taille de la maison, par le budget minimum et par le règlement communal, le grand soin apporté aux détails et la sensation d’espace génèrent une atmosphère paisible : une véritable invitation à la détente.
(Texte de Marielle Savoyat)
N°3. Une maison sur le toit du bureau RBCH Architectes. Cette surélévation d’un bâtiment lausannois incarne de manière originale le concept de densification urbaine.
Le projet:
Le point de départ de cette aventure architecturale repose sur un problème somme toute banal, à savoir le défaut d’étanchéité, survenu au fil du temps, du toit plat d’un immeuble situé entre l’avenue de Morges et le chemin de Boston, à Lausanne. Après examen du devis, le propriétaire juge trop onéreux le montant des travaux nécessaires et réfléchit alors à une alternative. Compte tenu de la pénurie de logements en ville, et sensible à la problématique de la densification urbaine, il décide de mandater le bureau d’architectes RBCH afin d’étudier la possibilité de construire un étage supplémentaire. Un choix qui engendre certes un surcoût, mais procure par ailleurs une plus-value locative.
La forme que prend par la suite le projet repose quant à elle sur diverses contraintes. D’une part, les distances entre l’immeuble concerné et les limites de parcelles imposent de réduire la taille de la surélévation. D’autre part, la hauteur du bâtiment existant n’autorise qu’une toiture ou un attique s’inscrivant dans un arc de cercle de 8 m de rayon. Dès lors, le gabarit maximal de la surélévation est fixé. Son volume final résulte donc de l’application du règlement et de l’utilisation optimale de l’espace selon le cahier des charges du maître de l’ouvrage. À cent lieues du geste architectural gratuit, l’originalité réelle du projet confère de plus à l’immeuble un aspect enfin terminé. Faisant référence aux toitures voisines, il s’intègre discrètement dans le paysage bâti du quartier, où dominent d’imposants bâtiments caractéristiques de l’architecture lausannoise du début du 20e siècle, dotés de grandes toitures à la Mansart.
Le nouveau volume comprend un appartement en duplex de 4,5 pièces. Il est littéralement posé sur le toit du bâtiment existant, préalablement équipé sur son pourtour de filières en bois solidement ancrées sur la toiture plate de l’immeuble.
Dans le cadre de projets de surélévation, les systèmes constructifs sont généralement en bois ou en acier. Ici, les architectes ont fait le choix d’une structure bois. Outre l’intérêt représenté par son faible poids, compte tenu de la complexité du projet les détails d’assemblage (biais, arêtes, etc.) se trouvaient ainsi simplifiés. De plus, de par ses propriétés isolantes, le bois offrait l’avantage de pouvoir diminuer les épaisseurs des façades. D’autre part, il se prête à la préfabrication en atelier, ce qui a permis de limiter les nuisances du chantier. À cela s’ajoute encore la rapidité de pose : un jour et demi a suffi pour le montage sur le chantier. Pour vérifier la précision des assemblages et s’assurer d’une exécution rapide et efficace in situ, l’ossature avait été entièrement assemblée dans les ateliers de l’entreprise de charpente.
(Texte de E. Malod-Dognin)
N°4. Une villa de l’Atelier d’architecture Christian Geissbuhler. Située non loin du centre-ville de Genève, son style évoque l’architecture californienne des années cinquante.
Le projet:
Après avoir parcouru le monde durant plusieurs années pour leur travail, Yelena et Antoine ont finalement eu l’opportunité de s’installer en Suisse avec leurs deux enfants. Ils rêvaient d’une maison individuelle qui exprime une élégance discrète et propose de nombreuses zones de vie. Ce sont aussi des amoureux d’art moderne, de design dépouillé et ils admirent les grands architectes du 20e siècle. Alors quand le bureau Christian et Sandrine Geissbuhler a soumis son projet, en multipliant les références telles que Neutra ou Mies van der Rohe, en montrant des études de cas des années 1950 et des jardins japonais, ils ont été à 100% séduits.
S’affichant au pied du Salève, la villa, construite sur un seul niveau hors-sol, s’articule autour d’une cour intérieure, d’un bassin et d’une large façade vitrée sur une terrasse orientée sud-ouest. Tous les points de vue vers l’extérieur sont cadrés par les larges avancées de toiture et les fenêtres étroites. Le sol en résine polyuréthane sans joints d’un blanc brillant diffuse une sensation de luminosité dans l’ensemble de la villa et accentue la fluidité de la séquence des espaces intérieurs jusqu’à l’extérieur.
Compacte, la maison bénéficie d’une esthétique très actuelle et d’une enveloppe simple. Son décor repose sur un jeu de couleurs sobres. Des touches de couleurs éclatantes sont apportées par le mobilier et les accessoires et par une belle collection d’art.
Cette somptueuse maison de verre, naturellement lumineuse, offre l’impression d’un intérieur toujours ensoleillé, même quand la météo est morose. Presque la Californie !
(Texte de Catherine Gailloud/Mydaywith.ch)