Architecture

Quatre architectes romands, quatre villas

15 Mai 2018

Zoom sur quatre réalisations conçues par quatre architectes d’ici: une maison de plain-pied à Veyrier, une villa dans un parc à Vandoeuvres, une maison d’hôtes au Mont-sur-Rolle et une surélévation au coeur de Lausanne. Chacune à leur manière, elles témoignent de la vivacité, de la créativité et du savoir-faire de l’architecture made in Romandie. Petite visite. 

 

N°1. Une maison contemporaine du bureau Charles Pictet Architectes associés. A l’ombre des arbres, elle a trouvé sa place dans une commune de la campagne genevoise où les paysages témoignent de la présence forte d’une nature centenaire.

 

 


  • Charles Pictet Architectes associés: Le bureau Charles Pictet Architectes associés a été créé en 2002. Il compte 17 collaborateurs. Il a notamment réalisé un immeuble de logements pour étudiants à Genève, la transformation d’une maison à Rolle et une résidence de montagne à Lens. Il construit actuellement des logements sociaux à Paris. Engagé culturellement, il conçoit une architecture discrète, pérenne et respectueuse des lieux.

  • © Thomas Janstcher

    La maison sélectionnée: elle présente côté jardin, des décalages de volumes  plus grands que du côté de la route ce qui réduit l’échelle de perception de la maison.

  • © Thomas Janstcher

    Vue sur le coeur de la maison. La main courante en laiton, les lampes au plafond et la lampe murale, elles aussi en laiton, sont directement inspirées de Jorn Utzon.

  • © Thomas Janstcher

    Vue sur le salon et sa cheminée tout en rondeurs, directement inspirée de celle située dans la maison de Gunnar Asplund. L’espace, éclairé par la toiture en shed et, latéralement, par la grande baie vitrée ouverte sur le jardin, baigne dans la lumière.

  • © Thomas Janstcher

    Le dialogue avec les arbres centenaires attenants est constant. Les arrondis des volumes intérieurs et les sheds sont directement inspirés de l’architecture de l’église de Bagsvaerd au Danemark, de Jorn Utzon.

Le projet:

 

Cette maison, c’est d’abord une histoire de projets personnels et de patrimoine familial : une femme et l’un de ses enfants possédant déjà deux maisons existantes sur la même parcelle souhaitaient en construire une troisième sur ce grand terrain. C’est aussi l’illustration de la maturité de l’architecte Charles Pictet et de ses associés qui y mêlent expériences  architecturales vécues, simplicité intemporelle et intégration sensible au lieu.

 

L’inspiration se veut ici nordique. En effet, le langage architectural nordique s’adapte tout à fait au caractère du lieu. Il se caractérise notamment par la couleur blanche, la simplicité des volumes extérieurs, ou encore par des références directes utilisées pour le dessin de la cheminée (Asplund), de la lampe murale du couloir (Utzon) ou des mains courantes en laiton. L’architecture de l’église de Bagsvaerd au Danemark, de Jorn Utzon, par son expression simple de type « entrepôts » à l’extérieur et plus complexe à l’intérieur avec des volumes arrondis, a insufflé le caractère de la maison de Vandoeuvres. Les arrondis qui adoucissent les angles à l’intérieur jouent sur la lumière zénithale et changent la perception de l’espace.

 

De grands arbres centenaires longent la propriété et la route. Très hauts et situés au sud-ouest, ils inondent la parcelle d’une large ombre portée. C’est justement à l’ombrage de cette végétation que la maison vient s’installer. Pouvant être considéré comme une contrainte, ce cordon boisé constitue finalement une chance : il filtre les regards depuis la route et stimule la créativité des concepteurs pour le traitement de la lumière. Un dispositif architectural de toitures de type sheds, captant au nord et au sud la lumière zénithale apporte une force particulière aux différents espaces de la maison.

 

Par une juxtaposition de volumes rectangulaires décalés, de tailles différentes et contenant des programmes spécifiques, un parcours se dessine, d’une lumière à une autre. Le terrain descend en pente douce. Depuis le garage jusqu’au salon, d’un bout à l’autre de la maison, quelques marches séquencent à chaque fois les différents espaces.

(Texte de Marielle Savoyat)

 

 

N°2. Une maison d’hôtes du Bureau Pierre-Alain Dupraz. Sur les hauteurs viticoles de Mont-sur-Rolle,  cette villa nommée « Verveine et Romarin » accueille les amateurs de bonne table dans une ambiance intimiste.

 


  • Pierre-Alain Dupraz: Pierre-Alain Dupraz a fondé son bureau en 2002, actuellement composé de quinze collaborateurs. Il a notamment réalisé la crèche de Saint-Jean et la passerelle de la Paix à Genève, ainsi que l’EMS de Rolle et l’école enfantine et UAPE de Prangins. Il a remporté récemment le concours pour la Cité de la Musique de Genève. La topographie, au coeur de ses passions, agit comme un moteur sur son architecture.

     

  • © Thomas Janstcher

    La maison sélectionnée: elle offre une vue sur la cuisine et le coeur de la maison, au travers d’une grande baie vitrée à fleur de sol et à hauteur du plan de travail. Véritable vitrine sur la table d’hôtes et la cuisine, à l’entrée de la maison, cette grande ouverture offre également un rapport inattendu, intimiste et amusant entre l’intérieur et l’extérieur.

  • © Thomas Janstcher

    Un seuil de quelques marches offre une respiration entre l’extérieur et le coeur de la maison, large espace ouvert et traversant.

  • © Thomas Janstcher

    Le séjour en contrebas, espace généreux partagé entre les invités et la famille qui reçoit, se dissocie de l’espace dédié à l’art culinaire par quelques marches et un banc fixe qui semble creusé dans le sol.

  • © Thomas Janstcher

    Depuis la table d’hôtes, deux vues cadrées sur le lac et les montagnes s’offrent aux personnes attablées : l’une en direction de Genève, l’autre orientée vers Saint-Gingolph.

Le projet:

 

Expert en topographie, l’architecte Pierre-Alain Dupraz a tiré profit du terrain escarpé – son terrain de jeu de prédilection – pour mettre en valeur l’art de la table, qui deviendra le coeur de cette maison d’hôte tenue par un restaurateur.

 

C’est en effet sur une pente que s’inscrit cette petite construction de 125 m2 (le maximum autorisé par le règlement communal), avec un rapport hors pair au sol, au plus proche des courbes de niveaux naturelles. Arrivant par le nord, les hôtes bénéficient d’un avant-goût de la vue spectaculaire qui les attend à l’intérieur au travers d’une grande baie vitrée à fleur de sol et à hauteur du plan de travail. Vitrine sur la table d’hôtes et la cuisine en contrebas de l’entrée, cette grande ouverture offre également un rapport inattendu, intimiste et amusant entre l’intérieur et l’extérieur.

 

Côté matériaux, les architectes ont recherché la simplicité. Les murs sont construits en brique, tandis que les ferblanteries, les toits et les dessous d’avant-toits sont en tôle éloxée. Les baies vitrées et l’ensemble du revêtement des murs extérieurs issus de la marque Panoramah! complètent le caractère résolument contemporain de la villa. Une charpente en bois porte la toiture à trois pans, dont les pentes se rejoignent en un point particulier : au-dessus de la table d’hôtes.

 

Du côté de la chromatique, les deux tons contrastés choisis sont reposants : une teinte brun foncé à l’extérieur, du blanc à l’intérieur. Afin d’unifier le volume extérieur, l’architecte a sélectionné la couleur la plus sombre parmi celles autorisées par la commune de Mont-sur-Rolle.

 

À l’intérieur, un plâtre blanc est appliqué partout, ce qui offre une impression d’espace plus ample. La volumétrie des toitures ainsi que les avant-toits, imposés par le règlement communal et réalisés de manière généreuse sur une longueur de 1,25 m, amplifient également la sensation spatiale. Malgré les difficultés et les contraintes imposées par la petite taille de la maison, par le budget minimum et par le règlement communal, le grand soin apporté aux détails et la sensation d’espace génèrent une atmosphère paisible : une véritable invitation à la détente.

(Texte de Marielle Savoyat)

 

N°3. Une maison sur le toit du bureau RBCH Architectes. Cette surélévation d’un bâtiment lausannois incarne de manière originale le concept de densification urbaine.

 


  • RBCH ARCHITECTES. Le travail développé par RBCH, fondé en 2005, se singularise par une approche expérimentale favorisant l’observation du lieu et l’analyse du thème. Il accorde une place essentielle aux échanges interdisciplinaires, aux découvertes originales et aux expériences nouvelles. Composé d’une dizaine de collaborateurs, RBCH Architectes oeuvre principalement en Suisse romande. Parmi les réalisations représentatives du bureau, on peut citer la construction des écoles de Charmey et d’Estavannens, ainsi que la revalorisation d’un îlot historique en logements dans le centre-ville de Bulle.

  • ©Lionel Henriod

    La maison sélectionnée: elle possède côté ouest une terrasse qui bénéficie d’un beau dégagement vers le grand paysage.

  • ©Lionel Henriod

    Le règlement communal imposait des barrières métalliques ajourées. Les garde-corps des terrasses sont liés au nouveau volume pour donner l’image d’une toiture totale.

  • ©Lionel Henriod

    Le séjour largement ouvert sur le paysage bénéficie d’une abondante luminosité. Les murs et plafonds sont simplement peints en blanc. Le parquet apporte une touche chaleureuse qui fait écho au bois des terrasses.

  • ©Lionel Henriod

    Le hall d’entrée est en communication avec la terrasse ouest. L’escalier qui dessert l’étage est en bois de frêne.

  • ©Lionel Henriod

    L’étage mansardé accueille un espace modulable qui sert actuellement de salle de jeu.

Le projet:

 

Le point de départ de cette aventure architecturale repose sur un problème somme toute banal, à savoir le défaut d’étanchéité, survenu au fil du temps, du toit plat d’un immeuble situé entre l’avenue de Morges et le chemin de Boston, à Lausanne. Après examen du devis, le propriétaire juge trop onéreux le montant des travaux nécessaires et réfléchit alors à une alternative. Compte tenu de la pénurie de logements en ville, et sensible à la problématique de la densification urbaine, il décide de mandater le bureau d’architectes RBCH afin d’étudier la possibilité de construire un étage supplémentaire. Un choix qui engendre certes un surcoût, mais procure par ailleurs une plus-value locative.

 

La forme que prend par la suite le projet repose quant à elle sur diverses contraintes. D’une part, les distances entre l’immeuble concerné et les limites de parcelles imposent de réduire la taille de la surélévation. D’autre part, la hauteur du bâtiment existant n’autorise qu’une toiture ou un attique s’inscrivant dans un arc de cercle de 8 m de rayon. Dès lors, le gabarit maximal de la surélévation est fixé. Son volume final résulte donc de l’application du règlement et de l’utilisation optimale de l’espace selon le cahier des charges du maître de l’ouvrage. À cent lieues du geste architectural gratuit, l’originalité réelle du projet confère de plus à l’immeuble un aspect enfin terminé. Faisant référence aux toitures voisines, il s’intègre discrètement dans le paysage bâti du quartier, où dominent d’imposants bâtiments caractéristiques de l’architecture lausannoise du début du 20e siècle, dotés de grandes toitures à la Mansart.

 

Le nouveau volume comprend un appartement en duplex de 4,5 pièces. Il est littéralement posé sur le toit du bâtiment existant, préalablement équipé sur son pourtour de filières en bois solidement ancrées sur la toiture plate de l’immeuble.

 

Dans le cadre de projets de surélévation, les systèmes constructifs sont généralement en bois ou en acier. Ici, les architectes ont fait le choix d’une structure bois. Outre l’intérêt représenté par son faible poids, compte tenu de la complexité du projet les détails d’assemblage (biais, arêtes, etc.) se trouvaient ainsi simplifiés. De plus, de par ses propriétés isolantes, le bois offrait l’avantage de pouvoir diminuer les épaisseurs des façades. D’autre part, il se prête à la préfabrication en atelier, ce qui a permis de limiter les nuisances du chantier. À cela s’ajoute encore la rapidité de pose : un jour et demi a suffi pour le montage sur le chantier. Pour vérifier la précision des assemblages et s’assurer d’une exécution rapide et efficace in situ, l’ossature avait été entièrement assemblée dans les ateliers de l’entreprise de charpente.

(Texte de E. Malod-Dognin)

 

 

 

N°4. Une villa de l’Atelier d’architecture Christian Geissbuhler. Située non loin du centre-ville de Genève,  son style évoque l’architecture californienne des années cinquante. 

 


  • Atelier d’architecture Christian Geissbuhler: Fondé en 2002, l’Atelier d’architecture Geissbuhler est principalement actif dans la conception et la réalisation de villas contemporaines et la rénovation d’objets historiques, comme notamment le pavillon de l’Île Rousseau à Genève.

  • ©Catherine Gailloud/Mydaywith.ch

    La maison sélectionnée: elle s’étire le long du jardin avec lequel elle est en parfaite communication.

  • ©Catherine Gailloud/Mydaywith.ch

    Le bassin en pierre crée une atmosphère très zen et procure des jeux de lumière tout au long de la journée. Sur le mur qui surplombe le bassin, l’artiste Hugo Motor a installé une série de 42 blocs de béton, formant 1024 caractères qui représentent 1024 bits (unité de mesure en informatique).

  • ©Catherine Gailloud/Mydaywith.ch

    L’aile commune est composée de la zone salon-salle à manger-cuisine ainsi que d’un bureau. C’est essentiellement depuis cette pièce que la vie en plein air s’apprécie, par le biais de vastes baies vitrées qui se superposent lors de l’ouverture pour gagner de la place. Elles donnent sur les espaces de détente extérieur et sur le bassin. Sculpture et tableaux de Hugo Motor, lampe sur pied Joe Colombo, chaises de la terrasse Maarten Van Severen (Vitra).

  • ©Catherine Gailloud/Mydaywith.ch

    La maison de plain-pied, dans le style californien des années 1950 qui est une source d’inspiration sans fin pour le couple d’architectes Sandrine et Christian Geissbuhler.

  • ©Catherine Gailloud/Mydaywith.ch

    La maison est pourvue de grandes baies vitrées qui atténuent la séparation entre extérieur etintérieur et invitent le jardin dans toutes les pièces.

Le projet:

 

Après avoir parcouru le monde durant plusieurs années pour leur travail, Yelena et Antoine ont finalement eu l’opportunité de s’installer en Suisse avec leurs deux enfants. Ils rêvaient d’une maison individuelle qui exprime une élégance discrète et propose de nombreuses zones de vie. Ce sont aussi des amoureux d’art moderne, de design dépouillé et ils admirent les grands architectes du 20e siècle.  Alors quand le bureau Christian et Sandrine Geissbuhler  a soumis son projet, en multipliant les références telles que Neutra ou Mies van der Rohe, en montrant des études de cas des années 1950 et des jardins japonais, ils ont été à 100% séduits.

 

S’affichant au pied du Salève, la villa, construite sur un seul niveau hors-sol, s’articule autour d’une cour intérieure, d’un bassin et d’une large façade vitrée sur une terrasse orientée sud-ouest. Tous les points de vue vers l’extérieur sont cadrés par les larges avancées de toiture et les fenêtres étroites. Le sol en résine polyuréthane sans joints d’un blanc brillant diffuse une sensation de luminosité dans l’ensemble de la villa et accentue la fluidité de la séquence des espaces intérieurs jusqu’à l’extérieur.

 

Compacte, la maison bénéficie d’une esthétique très actuelle et d’une enveloppe simple. Son décor repose sur un jeu de couleurs sobres. Des touches de couleurs éclatantes sont apportées par le mobilier et les accessoires et par une belle collection d’art.

 

Cette somptueuse maison de verre, naturellement lumineuse, offre l’impression d’un intérieur toujours ensoleillé, même quand la météo est morose. Presque la Californie !

(Texte de Catherine Gailloud/Mydaywith.ch)

 

 



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