Architecture

L’architecture religieuse en version contemporaine

05 Sep 2024

Aujourd’hui, bon nombre d’édifices religieux nécessitent une rénovation qui tient compte des besoins actuels. Il s’agit de rendre visible ces lieux de culte sans pour autant les rendre ostentatoires. De les insérer dans le tissu urbain contemporain tout en gardant à l’esprit la symbolique propre à ce type de bâtiments.  Trois exemples d’architectures sacrées en Suisse romande.

 

1/ L’église du Saint-Rédempteur de Lausanne

Un écrin doré

 

©Cédric Widmer. Parution CB2/2024

Les parois du choeur ont été enduites d’une poudre de laiton doré, tel un stucco, rappelant les enduits des églises byzantines. On y accède désormais pas trois marches en marbre.

 

©Cédric Widmer. Parution CB2/2024

Dans le choeur, 450 fibres optiques captant la lumière du soleil en toiture ont été installées dans le fond du choeur, produisant l’effet d’une constellation d’étoiles telle qu’elle était le 25 décembre à l’an 0.

 

©Cédric Widmer. Parution CB2/2024

Le narthex (sorte de vestibule à l'entrée) a été repensé. Le sol en béton bouchardé, qui se prolonge dans la nef, a été poncé.

 

©Cédric Widmer. Parution CB2/2024

Des claires-voies en lames de chêne massif surplombées par un garde-corps en laiton brossé mat entourent la tribune et offrent plus de légèreté et de transparence au volume.

 

L’église du Saint-Rédempteur se fait discrète à Lausanne. Construite au début du 20e siècle dans un canton majoritairement protestant, elle s’implante en retrait de la route et arbore une architecture simple et modeste dans un style régionaliste de l’époque. Cette église, inscrite en note 3 au recensement, a par la suite subi de multiples transformations, notamment le doublement de la voûte intérieure qui posait des problèmes d’étanchéité et d’isolation, le doublement de la tribune dans les années 1970 pour accueillir plus de monde et l’ajout de locaux annexes.

 

Rempli par des éléments devenus illisibles, le plan a progressivement perdu de sa clarté. À l’occasion des 100 ans de l’église, les architectes du bureau FRAR Frei Rezakhanlou architectes ont porté une réflexion sur son organisation afin de redonner une cohérence à l’ensemble.

 

La circulation est d’abord requalifiée. La sacristie existante est déplacée afin de déployer le narthex sur toute la largeur et de retrouver la symétrie d’origine du plan de 1916. L’accès au chœur, qui posait problème en raison d’une succession de socles et d’emmarchements, se fait désormais à l’aide de trois marches qui suivent la forme du chœur.

 

L’usage du marbre blanc pour ces marches ainsi que pour le sol du choeur permet d’harmoniser l’ensemble et de le singulariser, offrant un contraste avec le reste de la nef dont le sol en béton bouchardé a été poncé. Les parois du choeur ont été enduites d’une poudre de laiton doré, tel un stucco, rappelant les enduits des églises byzantines. Le chœur devient ainsi un écrin au sein duquel un Christ est suspendu.

 

La tribune conserve son emplacement et sa volumétrie mais se voit reprise au niveau de la structure et des matériaux. Des claires-voies en lames de chêne massif surplombées par un garde-corps en laiton brossé mat entourent la tribune et offrent plus de légèreté et de transparence au volume. Le laiton rappelle par ailleurs la couleur dorée du fond du chœur et offre un aspect changeant selon la lumière.

En travaillant sur le plan, la lumière et les matériaux, les architectes ont redonné du sens à l’église du Saint-Rédempteur. En identifiant les qualités d’origine du bâtiment et en dialoguant avec l’existant, ils inscrivent leur travail dans l’épaisseur du temps pour proposer un projet contemporain en continuité avec les transformations précédentes.

 

 

 


2/ La Paroisse protestante de Sion

Valoriser l’existant secrètement

 

© Johannes Marburg. Parution CB2/2024

Temple de la Paroisse protestante de Sion.

 

© Johannes Marburg. Parution CB2/2024

Dans le temple, les couleurs de l’époque ont été revisitées et retravaillées. L’introduction de mobilier et partitionnement intégré en chêne rappelle la présence du bois au plafond et de menuiseries.

 

© Johannes Marburg. Parution CB2/2024

La qualité de lumière résultant des pavés de verre maintenus.

 

© Johannes Marburg. Parution CB2/2024

Les anciennes lignes de cloisonnement restent visibles sur le sol en béton ciré.

 

Le centre de la communauté protestante de Sion, situé en bordure de la vieille ville, est constitué de trois bâtiments: l’ancienne école et la cure (comprenant des logements) construits entre 1957 et 1961 par Jean Suter, ainsi qu’un temple avec divers locaux de service réalisé par Pierre Schmid à la fin des années 1960 dans un béton brut apparent.

 

Le projet de rénovation a fait suite à la vente d’un bâtiment abritant l’école protestante et divers locaux scolaires et paroissiaux à la Ville de Sion. Les architectes du bureau Mijong ont participé à une restructuration globale de l’ensemble de la parcelle, le temple, la cure, l’école destinée à être transformée en crèche et les aménagements extérieurs.

 

Au sous-sol de l’école se trouvait une salle polyvalente dédiée à la paroisse, tandis que le niveau inférieur du temple était occupé par divers locaux scolaires et paroissiaux. L’intervention principale a consisté à intervertir ces fonctions afin de libérer le bâtiment de l’école pour la crèche et de réunir sous le seul toit du temple les usages communautaires.

 

Ainsi, les espaces de vie de la paroisse sont intégrés dans le socle du temple et un nouveau front public a été créé sur la rue de Loèche avec une entrée qui réannonce la fonction religieuse de l’édifice. La cafétéria, la salle de rencontre et la grande salle polyvalente sont disposées en enfilade le long de la façade ouest, et peuvent ainsi bénéficier de lumière naturelle.

 

Grâce à un travail très fin sur la matérialité, le projet tisse des liens avec l’existant. Cette architecture du détail va même jusque dans le dessin des poignées d’armoire ou du mobilier, à l’instar des tables de la cafétéria qui réutilisent des pieds d’origine. Les architectes effectuent ainsi des réinterprétations de l’existant, s’appuyant sur celui-ci pour écrire une nouvelle histoire.

 

 

 


3/ La chapelle de Mon-Gré de Grancy

Lumière et légèreté

 

©Reto Duriet. Parution CB2/2024

Le site de la chapelle de Mon-Gré de Grancy.

 

©Reto Duriet. Parution CB2/2024

À l'étage, le foyer d'accueil. Au niveau inférieur, un grand hall de distribution dessert d’un côté les différentes locaux de réunion et de l’autre la chapelle.

 

©Reto Duriet. Parution CB2/2024

Au niveau inférieur, la chapelle possède un plan circulaire.

 

©Reto Duriet. Parution CB2/2024

Dans la chapelle, les vitrages de couleur créent une lumière intérieure particulière. Le terrazzo au sol et des murs gris contribuent également à l'ambiance tamisée qui est propice au recueillement.

 

Construite en 1969 par l’architecte Jacques Dumas pour la paroisse catholique du Sacré-Coeur, la chapelle de Mon-Gré est implantée sous l’esplanade de l’immeuble boulevard de Grancy 19-19A. Elle souffrait d’une configuration disproportionnée, avec un couloir trop large, des salles borgnes, une mauvaise isolation acoustique et des problèmes d’accès.

 

L’ambition de la transformation était d’avoir un lieu de prière, de spiritualité et de méditation mais aussi de créer un lieu de passage et de partage, faisant de lui un espace dédié à la pratique vivante du culte.

 

Le geste principal des architectes d’Atelier commun a été de développer un élément de toiture qui accueille et enveloppe toutes les activités, un choix qui évoque l’étymologie du mot chapelle, cappa, la cape. Pensé comme un origami, cette toiture présente plusieurs plis qui s’ouvrent sur l’extérieur côté rue et côté esplanade et qui permettent à la lumière de s’infiltrer jusque dans l’étage inférieur. Sa finesse et la transparence qui en découle invitent à pénétrer dans le pavillon religieux entièrement vitré.

 

Le pavillon possède une fonction d’accueil dans un environnement chaleureux et apaisé qui fait écho à la vision légère et non oppressante de la foi portée par l’abbé Maurice Zundel (un espace oecuménique éponyme lui est dédié dans le centre). Il offre une transition douce entre l’esplanade et l’intérieur du bâtiment, à l’instar de la prolongation du revêtement de sol à l’extérieur ou du banc qui traverse toute la longueur de la parcelle.

 

À l’intérieur, aux côtés de différents locaux de réunion, se trouve la chapelle. Cette dernière possède un plan circulaire, une forme évidemment symbolique qui est toutefois rationnalisée dans sa conception et construction. Tous les raccords avec la trame orthogonale existante permettent d’intégrer les éléments techniques, et elle est composée de murs circulaires en béton sur lesquels reposent les poteaux du pavillon.

 

Dans cette chapelle, la hauteur sous plafond est plus importante sur la façade et permet d’accommoder des vitraux des artistes verriers Daniel Stettler et Emilia Eckel, enchâssés à l’intérieur du triple vitrage. Un terrazzo au sol et des murs gris apportent du contraste et procurent une ambiance tamisée et propice au recueillement.

 

Enfin, le mobilier liturgique dessiné sur mesure reprend le langage architectural. Réalisées en frêne, tout comme les menuiseries et faux-plafonds, les chaises suivent la courbure de la chapelle, permettant de réaliser différentes configurations spécifiques à la forme de l’espace.

 

 



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