Matteo De Carlo, entre rigueur suisse et regard singulier
Dans chaque numéro d’Espaces contemporains, la décoratrice suisse Élodie Raneri (J’aime pas les dimanches) nous livre un de ses coups de cœur du moment. Ce mois-ci, elle nous fait découvrir un talentueux étudiant de l’ECAL: Matteo De Carlo. Un créatif jurassien, nourri par les exigences du Swissmade, qui porte une réflexion critique sur les objets du quotidien.

Matteo De Carlo avec son projet de siège utilisant des déchets de l'industrie automobile pour Freitag,
Matteo De Carlo est actuellement en dernière année à l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL). Mais dans le cadre de ses études, le jurassien a déjà réalisé plusieurs projets qui révèlent sa faculté à observer et comprendre les pratiques quotidiennes liées aux objets. Il a ainsi collaboré avec la marque Freitag pour un projet de siège utilisant des déchets de l’industrie automobile. De même pour son canapé « Airtube », facile à louer, transporter, assembler, ranger et nettoyer, qui est inspiré du concept « l’accès plutôt que la possession ».
Matteo ne se contente pas de répondre à un cahier des charges; il dépasse souvent les attentes d’un exercice ou d’un mandat en apportant son regard décalé. Ainsi lors d’un projet, il a été amené à réfléchir sur la notion de « porte-fruits »; un travail qui pourrait sembler anodin mais qui lui a permis de pousser les limites de la réflexion sur cette catégorie d’objets. Il ne s’agit pas seulement pour lui d’un objet fonctionnel mais aussi d’un objet qui peut susciter une appréciation sensorielle et émotionnelle forte à la manière d’une œuvre d’art. C’est avec le même esprit de questionnement qu’il a interrogé la notion de « porte-café » et « porte-papier toilettes ».
Un autre exemple attendu prochainement sera dévoilé lors de son travail de diplôme sur le thème de la valise, un accessoire pourtant ultra-standardisé. L’objectif de Matteo n’est pas seulement de redéfinir l’objet en termes de forme ou de fonction, mais aussi d’amener le public à porter un nouveau regard sur ce qui l’entoure au quotidien.

Porte-fruits, design Matteo De Carlo.

Porte-café, design Matteo De Carlo.
Un parcours de formation atypique
L’ECAL, avec sa forte dimension artistique et ses nombreuses collaborations avec des marques internationales, a permis à Matteo de trouver un terrain d’expression propice à son évolution créative. Au cours de ses trois années d’études dans cette école, il a eu la chance de travailler avec plusieurs marques prestigieuses, acquérant ainsi une expérience précieuse dans la conception et la création de produits.
Cependant, avant d’intégrer l’ECAL, Matteo n’était pas novice dans le monde du design. Il a d’abord débuté sa carrière en tant qu’horloger diplômé d’un CFC, un domaine exigeant où la précision et le savoir-faire manuel sont des compétences clés. Sa formation à La Chaux-de-Fonds, au sein de l’École d’art en design horloger, l’a ensuite amené à approfondir ses connaissances du design industriel et à explorer les possibilités infinies offertes par les matériaux et les formes. C’est dans cette école qu’il s’est forgé une approche du design articulée autour de l’innovation, du respect du temps et du travail de précision.
La recherche de matériaux honnêtes
Un autre élément qui frappe chez Matteo, c’est son aptitude à intégrer des matériaux robustes dans ses créations. Pour lui, un matériau doit non seulement être esthétique, mais aussi être solide et avoir une histoire, un caractère, qui doivent être utilisés pour ce qu’ils sont. Un très bon exemple de cette vision se trouve dans sa création du transat Blocos. Ici le granit suisse, matériau qu’il affectionne particulièrement, a été utilisé pour créer un transat à la fois minimaliste et indestructible. D’une forme sculpturale esthétique, ce siège a, par ailleurs, été pensé pour durer et résister aux dégradations du temps.

Au milieu, transat Blocos, design Matteo De Carlo.
Le transat en granit Blocos incarne parfaitement l’approche du design de Matteo: une quête de durabilité et de longévité dans un monde de plus en plus éphémère. Il témoigne également de l’importance que le jeune designer accorde au travail avec des matériaux locaux et à la collaboration avec des artisans régionaux.
Matteo considère que l’ancrage de son travail en Suisse est fondamental même s’il rêve de voyager et d’exporter ses créations à l’international. Notre pays est une véritable source d’inspiration pour lui. C’est pourquoi il souhaite aujourd’hui participer activement au rayonnement du design suisse, tout en cultivant une signature créative qui lui est propre.