Sophistication à l’italienne
Visite à Milan de l’appartement des années vingt de l’architecte d’intérieur Barbara Ghidon. Un intérieur où tout semble naturel, tout simplement à sa juste place, mais qui cache une extrême sophistication.
Créé en 2001 par Barbara Ghidoni en association avec deux autres architectes, le studio Storage Associati a pour principe de commencer tout mandat de rénovation d’un local, quel qu’il soit, par la mise en évidence de son passé historique – démarche indispensable pour pouvoir en faire une réinterprétation contemporaine.
En l’occurrence, cet appartement des années 1920 présentait un agencement suffisamment éloquent: il se composait en effet d’un corridor central flanqué des diverses pièces d’habitation. Ses sols en tomettes, carreaux de ciment ou parquet témoignaient eux aussi de l’ancienneté des lieux, tout comme les plafonds de près de 3,5 mètres de hauteur habillés de corniches, moulures et médaillons, ou encore les cadres à fronton sculpté des portes intérieures.
Mais, curieuse d’en savoir encore plus, Barbara profita du chantier de suppression de la cloison du salon pour dépouiller les murs des couches superposées de papiers peints qui les couvraient. C’est ainsi qu’apparut un revêtement de plâtre d’un gris pâle maculé de blanc arborant de pittoresques inscriptions à la craie de maçon. Cette composition texturée lui plut tellement qu’elle laissa les murs tels quels.
Au fil du temps, Barbara continua donc à s’approprier progressivement les lieux à sa manière, en y imprimant son style dont la sobriété relève en fait d’une extrême sophistication. À bien observer cet intérieur, on remarque en effet que rien n’y est laissé au hasard: qu’ils’agisse d’une teinte, d’une forme ou d’un matériau, chaque élément du décor trouve sa correspondance à proximité, que ce soit pour créer effet de reflet ou de contraste.
Dans le côté salon de la salle de séjour, par exemple, le gris et le blanc des murs – fondements du décor – se retrouvent au plafond, sur le tapis, et jusqu’au cendrier de marbre anthracite. Meubles et rideaux complètent résolument la gamme des gris. L’or d’une lampe est repris par des coussins jaune d’or de manière à enrichir de façon saisissante cette austère palette. Quant aux deux tableaux, ils font écho au mobilier et au décor de la pièce. Non seulement par leurs teintes, blanc, gris, jaune vif ou couleur bois (comme celle du parquet et de la table d’appoint) mais aussi par leurs motifs triangulaires qui évoquent les formes figurant sur le tapis et la table dessinée par Gio Ponti.
Lorsqu’il ne s’agit pas d’éléments dénichés aux puces et retouchés par Barbara, le mobilier exclusivement vintage est composé de pièces originales signées de grands noms du design ou rééditées par Storage Associati.
Par contraste avec le salon, forcément soigneusement étudié, les meubles du coin repas sont pour leur part uniformément blancs; pour rétablir l’équilibre, ils sont cependant disposés devant un mur gris pâle et sous une suspension, réédition d’un modèle vintage, reprenant toute la palette des couleurs de base du salon et du reste de l’appartement.
Dans la chambre des parents, on retrouve la même palette – un camaïeu de gris, discrètement souligné par du rose et du bleu pâles, un peu d’or, et du rotin répondant à la teinte du parquet.
Dans la chambre de Ludovico, leur petit garçon, les travaux de rénovation ont révélé un soubassement en faux marbre gris qui a été conservé. La teinte gris pâle dominante est audacieusement relevée par les couleurs vives des rideaux et des jouets.
Dans la cuisine, alors que l’inox brossé se fond dans le gris des murs et du plateau de table en marbre, les tomettes rouge brique s’en donnent à cœur joie.