Le refuge montagnard de Charlotte Perriand
Figure majeure de l’histoire de l’architecture moderne au XXe siècle, Charlotte Perriand s’était construit un chalet à Méribel (France). Aujourd’hui classé monument historique, ce petit refuge haut perché rend hommage à la nature et témoigne de la pensée novatrice de l’architecte.
Lorsqu’on pénètre dans un lieu conçu par Charlotte Perriand, on est immédiatement saisi par son utilisation intelligente de l’espace et son rapport sensible à la nature et aux matières naturelles.
Au début des années 1960, après ses premiers travaux d’architecte à Méribel, en Savoie, et une dizaine d’années au Japon, cette enfant du pays qui nourrit une passion pour la montagne décide de s’attaquer à une construction pour son propre usage.
Comme dans la grande station voisine des Arcs où elle a conçu un immense complexe avant-gardiste parfaitement intégré dans le site, elle s’attache à faire disparaître le bâtiment dans la pente.
Si les constructions traditionnelles savoyardes sont fermées pour mieux conserver la chaleur, Charlotte Perriand veut une construction ouverte sur l’extérieur et remplace les lambris en bois enveloppant les constructions locales par des grands panneaux de verre afin de capter la lumière et de profiter de vues panoramiques époustouflantes. La façade sud du chalet s’ouvre ainsi sur le paysage par de larges baies vitrées; à l’étage, celles-ci s’escamottent même totalement dans l’épaisseur du mur.
Charlotte Perriand s’attache en effet à concevoir des espaces où la frontière entre intérieur et extérieur s’estompe. Ainsi, tout comme dans les appartements des Arcs où les terrasses sont prolongées à l’intérieur par de larges banquettes en lattes de bois, l’espace intérieur du chalet déborde vers l’extérieur par une avancée en bois qui donne l’impression d’être suspendu dans le vide.
Le chalet comprend deux niveaux de 40m2 , disposant chacun d’une cuisine et d’une salle de bain afin de rendre les deux espaces indépendants.
Au rez-de-chaussée, l’immense baie vitrée plein sud apporte de la luminosité.
Le séjour s’organise autour d’une cheminée adossée au mur opposé à la baie vitrée et dont le foyer est légèrement plus bas que le sol. À la jonction, une grande pièce de bois de forme libre sert de banc sans créer de rupture.
Les matières brutes dégagent une atmosphère apaisante. Le bois blond omniprésent, aux nœuds et aux veines apparentes, dialogue avec les murs en pierre naturelle.
L’aménagement mise sur l’essentiel, la définition du confort est basée sur la simplicité et le langage des matériaux. Quelques notes de couleur sont données çà et là par des coussins, un plaid ou des jetés de lit aux teintes vives.
Le premier étage exprime davantage encore cette notion d’intimité par des lits en alcôve rappelant l’habitat rural du 19e siècle. Ceux-ci permettent à la fois de conserver la chaleur et de ménager une certaine intimité.
Le lit de la fille de Charlotte, Pernette, est placé dans la continuité de la cheminée et de la cuisine. Une cloison coulissante qui traverse quasiment toute la largeur de l’édifice se déplace pour dissimuler ou révéler tour à tour l’espace souhaité – c’est l’une de ces «petites mécaniques» propres à Charlotte Perriand, ici à l’œuvre pour optimiser les volumes et créer un espace flexible malgré la superficie réduite.
Quasiment exempte de meubles, la pièce est juste recouverte de nattes en paille de riz, non sans rappeler les maisons traditionnelles japonaises. Le Pays du Soleil levant est partout: de ses années au Japon, Charlotte a, sans aucun doute, rapporté cette façon propre d’interpréter l’habitat, dans laquelle l’absence est en fait une force.
Seule une grande table en bois et un banc sont adossés à un mur recouvert de lattes de bois juxtaposées laissant passer la chaleur d’un radiateur ainsi dissimulé.
Les diverses solutions d’aménagement du chalet témoignent d’une volonté de repenser les usages domestiques et de les organiser en fonction d’une géométrie parfaite et quasi intuitive.
Visionnaire pour son époque, Charlotte Perriand a favorisé un nouvel art de vivre, profondément humain et en communion avec la nature. En 2016, son chalet a été classé monument historique.