Concevoir la fin du tout jetable
Comment dessiner des produits qui ne finiront plus à la déchetterie? Les principes de l’économie circulaire imposent de trouver des méthodes de production et de consommation qui ne requièrent pas l’apport de nouvelles matières premières. Ils invitent à inventer d’autres solutions que le recyclage dont l’inconvénient, souvent, est d’impliquer des processus industriels lourds. C’est pourquoi plusieurs designers de mobilier et d’accessoires pour la maison tentent de montrer qu’il est possible de sortir d’un cycle infini de consommation de produits. Quelques expérimentations qui ouvrent une voie pour le design circulaire dans le secteur de l’aménagement intérieur et de la décoration.
Piste n°1. Réparer
Réparer, c’est utiliser des moyens rudimentaires pour prolonger la vie d’un produit. Parmi les acteurs qui se questionnent sur la problématique de la réparation des objets se trouve Ikea. Le géant suédois s’est attelé au problème de la consommation d’un « design jetable » avec l’ambition de prolonger la vie de ses produits. En effet, quand un meuble est cassé et qu’il n’a pas coûté très cher, il peut facilement se retrouver à la déchetterie. Pour faire changer les habitudes, le fabricant de meubles propose non seulement des pièces détachées disponibles au service clientèle de ses magasins, mais aussi, désormais, de commander des petites pièces de rechange sur son site internet. Tout ceci gratuitement! Il espère ainsi faire bénéficier un maximum de personnes de solutions de réparation, quelle que soit leur localisation.
Piste n°2. Améliorer
En modifiant l’aspect d’un produit, en le réhabilitant de manière à lui donner une valeur supplémentaire, il est possible de prolonger la durée de vie de cet objet et de conserver sa structure principale tout en s’adaptant aux nouvelles modes de la décoration. C’est ainsi qu’est née la collection de chaises, bancs et fauteuils Re-Imagined conçue par le Studiomama. Soucieux de promouvoir l’économie circulaire, le studio de design a récupéré des chaises abandonnées au coin d’une rue. Il les a démontées jusqu’à leur cadres nus, puis les a ressoudées et recouvertes d’un rembourrage. Si les premiers modèles étaient issus de la récupération, la collection est aujourd’hui produite par l’entreprise Mark Product. Cependant, la structure simple des sièges les rend faciles à réparer et transformer. Studiomama a, du reste, collaboré avec l’éditeur de tissu David David (textile) pour montrer qu’il est possible de modifier l’esthétique de ses sièges rien qu’en changeant le tissu du rembourrage.
Piste n°3. Détourner
Détourner un produit, c’est en changer la fonction. Dans le domaine de la mode, la marque suisse Freitag s’est rendue célèbre en récupérant des bâches de camion pour en faire des sacs. En architecture, on voit aussi apparaître de nouveaux projets de construction avec du réemploi ou de la réutilisation de matériaux d’occasion grâce à des associations actives dans ce domaine.
Mais du côté du design pour la maison, il existe aussi des réalisations qui vont dans ce sens. L’histoire des coussins The Airbag de la marque Fólk Reykjavik est à ce propos intéressante. Ce projet a commencé lorsque Fólk a demandé aux designers du Studio Flétta de visiter une commerce de pièces automobiles local et de créer un design à partir de matériaux qui n’étaient actuellement ni revendus, ni réutilisés par le concessionnaire. Flétta a trouvé des airbags parmi les déchets chez le concessionnaire de pièces automobiles et a proposé l’idée d’en faire des oreillers. Il s’avère que les airbags sont de couleur pastel avec des broderies colorées lorsqu’ils sortent du volant. Ils sont extrêmement solides et robustes, idéaux pour la chambre d’enfant, l’extérieur, le salon ou un studio de yoga.
Un autre exemple pertinent que l’on peut mentionner est celui du Cloud Sofa, bien que celui-ci soit encore à l’état de prototype. En effet, le designer suisse Manuel Mario Jost (Fink product design) a conçu un canapé avec un rembourrage fait de matelas usagés. Il propose ainsi une alternative à l’incinération des matelas que nous jetons dans notre pays, ce qui correspond tout de même -selon le designer- à un million de produits par année!
Par ailleurs, certains éditeurs de design se sont aujourd’hui spécialisés dans le réemploi. Tel est le cas de Maximum Paris, une marque de mobilier qui produit de nombreux objets pour la maison à partir de déchets. Avec des tubes fluorescents hors d’usage, ils fabriquent des diffuseurs de luminaires; avec des barrières de police usagées, ils inventent des bancs; à partir de vieux échafaudages, ils donnent naissance à des tables… Leurs idées pour standardiser la récupération de produits ne manquent pas.
Piste n°4. Récupérer et composter
Concevoir des objets biodégradables – ou qui peuvent se décomposer sans résidus – est une manière d’atteindre les objectifs de l’économie circulaire dans la mesure où l’on tente de prolonger leur durée de vie. La marque suisse de linge de maison Lavie Home en donne une belle illustration. L’entreprise sortira en novembre une collection capsule de draps et taies d’oreiller certifiée « Cradle to cradle Gold ». Ces produits sont conçus pour ne laisser absolument aucune trace de résidus nocifs après décomposition. Les étapes de production de la chaîne textile, depuis la culture des matières premières et la teinture jusqu’à la fabrication des produits finis sont durables et sans polluants. Par ailleurs, l’entreprise Lavie Home propose aux clients qui souhaitent se débarrasser définitivement d’un produit de le reprendre. Ils seront alors réparés, recyclés ou revalorisés selon leur état.